A Tours, la belle histoire de Jeannot, son manège et les rires de l'enfance
Publié le 05-12-2024 13:29:46 Modifié le 05-12-2024 17:06:37
#VisMaVille Tout le monde l’appelle Jeannot. C’est lui qui vend les tickets pour le manège du haut de la rue Nationale. Il nous reçoit dans sa petite cabane. En voiture !
Et si c’était lui, la vraie star de ce Vis ma ville ? Lui, qui fait tourner la tête des petits, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, à Tours, depuis plus de quarante ans. Lui qui fait briller les yeux dans le scintillement des décorations de Noël. Lui qui en a vu passer, tant et tant de Tourangeaux d’un jour ou de toujours et qui continue à tourner, plus rond sans doute, que le monde d’aujourd’hui.
Bien sûr, il y a Jeannot dans le tableau. Jeannot, il cache son sourire derrière la vitre de sa caisse. Trois euros le tour, 10 € les quatre. Jeannot qui est là à chaque départ, ramassant les tickets d’un cheval noir à une moto bleue, avant de sauter sur la terre ferme tandis que les bambins s’élancent pour trois minutes trente d’aventure.
Jeannot qui est là, aussi, quand le tourniquet achève sa course et qu’il faut revenir au monde d’ici, celui des adultes et des pavés froids. Cela fait pleurer les enfants, parfois. Ils ne veulent pas descendre. Ils ne veulent pas que la magie s’arrête. Ils veulent essayer le bateau, ils veulent monter là-haut, ils veulent encore un tour.
Il ne se lasse pas de tourner, lui (le manège, pas Jeannot). Il tourne depuis 1937, date à laquelle les grands-parents de la famille sont allés le chercher dans son Italie natale. Pendant la guerre, il s’est caché en pièces détachées dans une grange. Il n’aurait plus manqué que ça, que les nazis mettent la main sur la magie de l’enfance.
Après la guerre, il a tourné un peu partout dans le département, avant de se poser à Tours où il prend ses quartiers deux fois par an, en été et au moment des fêtes de fin d’année. Au début, il ne faisait tourner que des chevaux, comme il était de tradition dans les manèges d’antan. Et puis, il a bien fallu se mettre à la page. Alors, les motos, les camions de pompier, les voitures et Aladin sont arrivés.
Dans les années 50, on lui a offert une restauration complète, un genre de check-up de la cinquantaine. Mais à chaque nouvelle saison, il n’oublie pas de se refaire une beauté : un coup de peinture sur le bonnet du père Noël, une ampoule à changer sous l’orgue de barbarie, qui ne produit pas de sons. Jeannot, lui, avait sans doute d’autres projets pour sa retraite. Mais son beau-frère (c’est lui, le propriétaire) lui a demandé de lui donner un coup de main pour le manège.
Et c’est sûr qu’il ne la céderait pas sa place au chaud, à distribuer ses tickets de bonheur. À le voir, on se demande même si ce ne serait pas un peu sa source de jouvence, ce petit coin d’enfance planté en haut de la rue Nationale. Tous les matins, il vient de loin pour le mettre en route, son manège enchanté et il rentre tard le soir. Mais les rires des enfants qui tournent, ça vaut bien le voyage et, surtout, ça transforme les rides en sourire.
Matthieu Pays