Ces métiers que l'on pense "genrés" : tout est (pourtant) possible !
Publié le 01-02-2023 10:25:33 Modifié le 01-02-2023 10:25:33
Pas plus qu’il n’y a des jeux pour les filles et d’autres pour les garçons, il n’existe pas de métiers interdits aux unes ou aux autres. Ce qui compte, c’est la passion et, même si parfois le chemin est rude, tout est possible !
Des femmes cheffes cuisiniers étoilées, d’autres qui commentent les matchs de foot ou de rugby masculins à la télé, ou encore des hauts gradées dans les métiers de la sécurité… Cela aurait été impensable il y a encore quelques années. Signe que les mentalités ont évolué. Mais attention, ne nous emballons pas, ces exemples médiatiques demeurent des exceptions dans certains domaines. Les évolutions sont lentes…
Car dans les faits, « on observe une ségrégation genrée très forte, avec des métiers surreprésentés chez les femmes et chez les hommes à la fois au niveau numéraire et symbolique », analyse la sociologue Marie Buscatto. « Si la mixité progresse dans certaines professions qualifiées, la polarisation des métiers entre les hommes et les femmes s’accentue du côté des emplois moins qualifiés. »
Socialisation marquée dès l’enfance
Dans son livre « Sociologie du genre », elle relève que quasiment la moitié des emplois occupés par les femmes sont concentrés dans une dizaine des 86 familles professionnelles : aides à domicile et aides ménagères, assistantes maternelles, agentes d’entretien, aides-soignantes, infirmières et sages-femmes, secrétaires, vendeuses, employées administratives de la fonction publique, enseignantes, employées de la comptabilité, employées administratives d’entreprise, employées de maison.
Dans ces métiers, plus de 77 % des employés en moyenne sont des femmes. En cause, une socialisation marquée qui s’applique dès l’enfance, dans les goûts, les pratiques sportives et culturelles, et dans le choix de l’orientation. Dans leur vie professionnelle, « les jeunes filles sont confrontées à la dévalorisation de leur métier quand elles vont vers des métiers masculins alors que les hommes sont confrontés à une dévalorisation de leur personne quand ils exercent un métier féminin », décrypte la sociologue.
Yann Maurel-Loré, esthéticien
Sont-ils des vrais garçons ? C’est la question qu’est habitué à entendre Yann Maurel-Loré, esthéticien et créateur de la marque bio Estime et Sens. Marié, père de trois enfants, on lui demande souvent s’il n’est pas homosexuel. Âgé aujourd’hui de 52 ans, il était le premier homme diplômé d’un BTS d’esthétique en France.
« Il y a 30 ans, l’esthétique pour un homme, c’était seulement être maquilleur ou vendeur de parfum. Aujourd’hui, les esthéticiens sont plus nombreux avec la clientèle homme qui augmente. J’en connais aussi trois qui exercent en cabine pour faire de l’épilation pour femmes. » Une petite révolution dans le milieu.
Pour y parvenir, « à partir du moment où la famille vous suit, je ne vois aucun obstacle. Il faut être motivé, passionné et également respectueux, car certains hommes arrivent dans le métier en terrain conquis, comme si c’était gagné. Non, il faut faire ses preuves. »
Grégoire, « sage-femme »
Montrer ses compétences avec humilité, c’est également ce qu’apprend à faire Grégoire, nouveau « sage-femme » à l’hôpital. Diplômé l’année dernière, il fait partie des 2 % d’hommes dans ce métier. « Ma famille exerçait dans le soin donc je ne me suis pas rendu compte que c’était un métier féminin. C’est quand je me suis retrouvé le seul mec à l’école que j’ai compris ! Je n’ai eu aucun problème au niveau de l’apprentissage à l’école même si j’étais vite repéré. Au CHU, les patientes et leurs maris ont peu l’habitude d’avoir un homme sage-femme mais la plupart des réticences se résolvent par le dialogue. Je n’ai eu qu’un seul refus de patiente pour le moment. »
Pourquoi donc si peu d’hommes dans ce métier alors que la profession de gynécologue est largement exercée par des hommes ? « Je pense qu’un homme gynécologue est socialement plus accepté qu’un sage-femme, explique Grégoire. Si les conditions salariales étaient plus intéressantes dans mon métier je pense que ce serait plus attractif pour les hommes. »
En effet, la question de la rémunération et du prestige social semble essentielle pour les jeunes hommes. Les chiffres prouvent que les métiers féminins attirent peu les hommes. Mais une fois qu’ils choisissent cette voie, aucune difficulté ne semble s’opposer à eux.
Elsa Berthelot, tailleuse de pierre
À l’inverse, du côté des métiers masculins, la tendance est à une ouverture plus large aux femmes. Tels les métiers du bâtiment où Elsa Berthelot, tailleuse de pierre, a fait sa place à seulement 26 ans en tant que chef d’équipe dans une entreprise artisanale. « Je suis femme et plus jeune que mes collègues mais cela se passe bien. Il y a des besoins dans ces métiers qui recrutent alors si on est motivée, il n’y a pas de raison que cela ne marche pas. »
Dans les métiers de la sécurité, les femmes sont également de plus en plus embauchées. Des métiers qui jouissent d’une bonne image, socialement utiles, et valorisés dans les séries télé, ça crée forcément des vocations. Pour autant, les femmes doivent toujours se battre pour percer dans ces postes.
Émilie Juquois est sapeur-pompier professionnelle, elle était la première femme pompier professionnelle de terrain dans son département au début des années 2000 (lire aussi ICI). Un poste nommé « homme du rang »… Elles sont aujourd’hui 20 sur 400 pompiers à exercer tous postes confondus. 20 en 20 ans, cela évolue, mais très lentement…
D’après l’expérience d’Émilie, « il faut avoir de la volonté et être à fond. Physiquement, car il faut parfois tirer des cordes, des tractions, porter des matériels lourds, monter dix étages en urgence. Mais c’est possible, on s’entraîne pour et le matériel évolue aussi. Quant au regard des collègues masculins, ils s’enthousiasment vite sur nos efforts et trouvent qu’on assure pour un rien, mais, globalement, que ça évolue positivement. Pour y arriver, il faut se démarquer, être bonne en sport, passionnée. » À 42 ans et 20 ans de carrière chez les sapeurs-pompiers, Emilie ne regrette pas un instant sa vocation.
Textes : Aurélie Dunouau et Maud Martinez – Photos : Freepik