"Disney est un mastodonte qui investit dans les licences, ce qui dope sa force de frappe."

Publié le 20-03-2020 14:53:26 Modifié le 21-03-2020 21:53:21 Par Aurélien Germain

Ce devait être le 24 mars, mais sous la pression, Disney lancera sa plateforme de vidéo à la demande Disney+ en France le 7 avril. On a passé un coup de fil à Simon Riaux, rédacteur en chef d'Ecran Large, pour parler de ce nouveau géant face à Netflix... en pleine période de confinement !

Interview de Simon Riaux, rédacteur en chef du site internet dédié au cinéma Écran Large et chroniqueur sur l’émission de Canal+ Le Cercle.

Quelle est la grande force de Disney+ face à ses concurrents, notamment Netflix ?
Il y a un truc qu’on oublie souvent, c’est que Disney mène une politique « Disney vault », c’est-à-dire que le films Disney ne sont jamais tous disponibles en même temps. Ils font de l’exceptionnel.

[NDLR :  Le Disney Vault est une technique marketing utilisée
depuis les débuts où l’on propose de nouvelles projections des films par tranche de dix ans. Bref, des contenus rendus disponibles seulement un temps, puis mis en pause « dans un coffre » donc introuvables, puis réédités. En salle, en DVD ou en Blu-ray par exemple. ]

Disney+ révolutionne ça, car leur catalogue géant sera complet et disponible en permanence. Et c’est pour les familles. Là, il te suffira de mettre tes gamins devant Disney+ et hop… Il y a aussi cette image de marque « secure » de Disney, c’est family-friendly. Il n’y a rien à craindre côté contenu.

The Mandalorian, de l’univers Star Wars, et son fameux baby Yoda seront sur Disney+ (photo Disney+)

En ayant racheté par exemple les studios Fox en 2019, Disney possède-t-il une plus grande force de frappe face à Netflix ?
C’est dur à dire. Il ne faut pas oublier que Netflix a quand même de l’avance et une grosse base clientèle. Fox possède l’un des plus gros catalogues d’Hollywood, c’est bourré de classiques. C’est énorme, il y a Alien, Predator, une quantité de franchises. Avatar aussi, maintenant, c’est Disney. Sans compter les Simpson, X-Files, Titanic, etc. Disney, en achetant la Fox, ABC, Marvel et compagnie, achète aussi des marques. Disney est un mastodonte qui investit dans les licences, ce qui dope sa force de frappe.

Peut-on réellement parler de bataille entre les géants de la SVOD ?
Absolument. Et ça ne fait que commencer. Il y a eu Apple – bon, qui a tout de même foiré son lancement – il y a Netflix et Disney+ qui vont se regarder dans le blanc des yeux, il y a HBOMax de la Warner. Ça va être compliqué. Je pense que Disney a un statut légèrement différent qui fait qu’il n’est pas dans la même logique que les autres. Eux se feront la guerre et s’affronteront, Disney produira en interne. Il risque d’y avoir des morts.

Les géants de la SVOD (Photo adobe stock)

Comment vois-tu l’arrivée de Disney+ en tant que journaliste ciné et en tant que spectateur ?
Je vois Disney+ comme un des seuls à avoir une telle capacité de communication, de gestion de l’ambition. Disney a fait de Marvel un empire. Et Disney fabrique une image de marque positive, il a la capacité de se mettre en ordre de marche. Je suis curieux, je pense qu’ils vont nous surprendre.

Disney est quand même le premier à avoir compris que le public voulait des marques et des licences. Leur offre est très concurrentielle. Mais il y a un enjeu dont on parle moins : l’expérience utilisateur. Pourquoi Netflix cartonne ? Car leur interface est top, on s’y sent bien, ça ne plante pas, il n’y a pas de bugs, c’est solide. Disney est conscient de ça et ils ont les moyens financiers et techniques pour y parvenir.

Le marché de la SVOD n’est-il finalement pas trop encombré maintenant ?
C’est dur à dire. Ce n’est pas un marché qui est arrivé à maturité. Il est trop tôt pour le dire. Ça s’apparenterait à un travail de Nostradamus ! Et là, vu l’actu, le confinement va jouer un rôle hyper important, dans le rôle du marché, du cinéma. Mais je pense qu’il y a largement de la place pour Netflix et Disney+ en même temps.

Fox détenait les Simpson. Etant passé dans le giron de Disney, c’est donc désormais Disney+ qui pourra diffuser les 30 saisons de la série animée.

On parle souvent de ces plateformes qui, justement, portent un coup dur au cinéma, voire le tuent. Tu es d’accord avec cette assertion ?
Le problème avec cette phrase, c’est que OUI il y a concurrence, mais c’est « inquantifiable ». Les plateformes donnent cette impression du moins cher, en offrant un service de qualité, on ne peut pas dire le contraire. Mais ça ne détruit pas le cinéma. Certains films sur Netflix n’auraient jamais eu de public en salle. La VOD fait du mal au cinéma, certes, mais bien moins que la piraterie.

Enfin, dernière question plus personnelle : as-tu pu voir The Mandalorian ? Et qu’en as-tu pensé ?
Oui ! Bon… C’est probablement le Star Wars le plus simpliste et le moins audacieux qu’ait produit Disney. C’est très très bien fait, évidemment, mais derrière, on a l’impression que les mecs se sont dit : « Oula, ne tente rien pour ne pas énerver les fans. » Mais ça illustre parfaitement une chose actuelle, c’est que maintenant, le public veut des choses qu’il connaît, des doudous.

Propos recueillis par Aurélien Germain


> 26,8 : C’est, en millions, le nombre d’abonné(e)s que revendiquait déjà
Disney+ aux États-Unis, au mois de février. Soit trois mois seulement après son démarrage. L’entreprise en espère entre 60 et 90 millions d’ici à 2024.
> 4 : Le nombre de flux en simultané dont disposera Disney+. Sept profils différents pourront être configurés. Il sera possible de télécharger
en illimité sur dix appareils, avec recommandations personnalisées.

Disney+ sera disponible à partir du 7 avril 2020 (le lancement devait se faire le 24 mars). Abonnement à partir de 6,99 € par mois.

 

Tags : 24 mars 7 avril arrivée baby yoda concurrence disney france interview netflix simon riaux simpson

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