Du Potager électronique à Bertrand Chamayou
Publié le 29-06-2015 17:57:19 Modifié le 05-04-2019 16:40:08
Chaque semaine, Doc Pilot voyage d'événements culturels en événements culturels... pour nous ramener le meilleur.
LE POTAGER ELECTRONIQUE, BERTRAND CHAMAYOU à Meslay, le Festival des Horizons à St Av
Passé Aucard de Tours, Le Potager Electronique est l’alibi pour aller glander sur le site de La Gloriette, s’affaler face à de la musique plutôt soft, plutôt lounge, user de la gratuité du site pour passer d’un son l’autre, d’une essence l’autre, arrêter le temps, se mettre le nez dans les nuages puis dans les étoiles. Les Hommes Verts ont finalement installé leur concept dans le temps, donné à l’événement un caractère incontournable et finalement nécessaire. Après, tout reste affaire d’affinités électives, la musique n’étant plus la raison du propos mais l’un des ingrédients nécessaires à fédérer un public, jeune, ouvert, underground dans ses goûts, par évidence électroniques, avides de contacts et de fête, de partage, de nature aussi ; et oui allez au Potager c’est un peu partir en vacances en bord de la ville. Toutes les Martine des seventies auraient rêvé d’aller au « potager électronique » ; finalement il aura fallu que les soixante- huitards fassent tout et n’importe quoi, mais surtout des enfants pour garder le meilleur et l’essence de leurs trips et ainsi bâtir ce style de manifestation alliant générosité et pragmatisme. Alors comme « Madame », Martine rêve ce soir au Potager ; l’heure avance et la génération de ses petit-enfants envahit l’espace… Le vendredi en arrivant du parking à travers champ, une voix, une guitare, un feeling à la Bertand Belin : Samuel Rehault, c’est bien, c’est beau… de l’audace pour habiter l’espace, de la force pour lui donner du sens…
Un jour qui tombe, un autre, de retour de l’incroyable concert de Bertrand Chamayou à la Grange de Meslay, violence dans l’abîme au piano exprimé dans les transcriptions de Schubert par Litstz, le merveilleux et le « beau bizarre » dans « Miroirs » de Ravel et sa « Pavane pour une infante défunte » en rappel : troublant, planant… à La Gloriette cette lumière rasante au fond à l’ouest : la fratrie Ropoporose chevauche des problèmes techniques, sans effet et sans panique, puis envoie la came, cet entrelacé de mantras électriques, d’hymnes du 21 éme siécle, de joyeuse insolence si fédératrice que toutes les générations mordent à l’hameçon. Ropoporose est unique et c’est son atout principal… Avant, Marc Prépus donnait un théâtre de rue électronique, une recette pour faire « passer le truc » ; drôle, absurde, technique, subtilement interactif, ce spectacle capte sans envahir, réjouit sans effondrer, occupe la vie sans la culpabiliser. Il y a du « bouffon » dans cet homme, alors le roi nous sommes…
Autre amuseur « haut de gamme », Sanseverino au Festival des Horizons à Saint-Avertin, populaire et offert, poète pour transcender le vulgaire, pour exploser le sordide, pousser à danser sur un volcan en bousculant les codes et le politiquement correct. Le lendemain sur la même scène, Ben l’Oncle Soul présente un nouveau style empreint d’influences caraïbiennes, renouveau du geste en modifiant la forme, la trame modifiée pour en garder l’essence : la danse, la joie, le partage, le respect des racines… En Arcades Institute la même soirée, d’autres racines pour le concert de 18h, une fin de saison avec le quartet de Jean-Jacques Cigolini au chant et à la guitare ; Julien Cormier est à l’harmo, Cyril Latapie à la basse : c’est beau, c’est bon, c’est excellent.
Le CD de TOBASSI est mon disque de l’été
Grande classe et maîtrise du concept pour ce premier album emprunt d’une telle maturité dans l’esthétique et l’expression qu’il pourrait sembler le fruit d’une longue carrière, l’aboutissement d’une recherche initiée depuis plusieurs années. Et bien non, Tobassi est un sextet de jeunes musiciens issus de la scène dites « jazz », mais totalement en phase avec l’histoire de la musique, l’écoute des maîtres, l’habilité séduisante dans les thèmes et les arrangements.
Tobassi est une machine à faire groover le temps, la symbiose parfaite entre la technique instrumentale et l’écriture de possibles standards. Il y a de la soul dans cette affaire, un peu de l’âme d’un possible ghetto planétaire, une réelle intuition dans la manière de fondre en un creuset, des personnalités uniques réunis pour nourrir le projet. Trompette, saxo, flûte, basse, claviers, drums, chant, des pupitres identifiés, des pratiques authentiques et au final de la joie dans la musique pour ceux qui l’écoutent et ceux qui la font. Parfois on pense à Marvin Gaye, Al Jarreau, d’autres fois à Zappa, à Magma ; toujours l’on se dit à la fin du morceau l’envie que l’on avait depuis longtemps d’entendre ça.
Ce disque bénéficie d’un son parfait (au contraire de la plupart des autoprods), il est présenté dans un design qui frôle l’œuvre d’art, et en plus à la scène le groupe est bon, très bon. Giovanni Thévenin a de la force dans ses mots, de l’impact dans sa diction et son flux fédérateur ; Louis Chevé Melzer n’en finit plus d’étonner les connaisseurs en la matière par l’inventivité de son art à la flûte et au saxo ; Yohan Fourrier use des drums à la manière des grands accompagnateurs, toujours en place et à sa place, toujours dans l’axe de « pousser au crime » ; William Brocherioux est un ovni en sa gestion des claviers, le feeling exprimé semblant initier la fusion des sensibilités en présence, la joie ; Michael Kuakuvi fascine dans les touches instinctives de trompette très influencées par « le cool » et « le blue » ; Pierre Thomas- Fredon est de sa basse le ciment de l’affaire, l’architecture occulte, force et stabilité offertes à la beauté de l’écriture. A n’en point douter cette affaire si brillante sera porteuse de bien des surprises, les acteurs de cette réussite des artistes qui feront « demain ». Ce disque sans passé, ce disque nécessaire pour notre présent est déjà un classique. A peine écouté il appartient à notre histoire. Il vit. Il sera la bande-son de mon été 2015.
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