Festival Mauvais Tours : une première édition de folie !
Publié le 21-10-2024 16:28:21 Modifié le 21-10-2024 17:23:09
Des films dingues et originaux, une ambiance folle et bienveillante, et un public chaud comme la braise. Pas de doute, le tout nouveau festival Mauvais Tours, dédié aux cinémas de l'imaginaire, est entré directement dans la cour des grands.
C’est peu dire que, pour sa toute première édition, le festival de cinéma Mauvais Tours a fait fort. Très fort. Du 17 au 20 octobre, cet événement dédié aux cinémas de l’imaginaire et de genre (lisez donc nos archives sur la genèse de ce rendez-vous en cliquant ICI) a fait le plein, emmené par un duo de choc (Simon Riaux et Nicolas Martin, inarrêtables et passionnés perfusés à la good vibe) et une fantastique équipe de bénévoles.
Le public, chaud bouillant, a ainsi tournaillé entre les cinémas Studio, le Bateau ivre et le Conservatoire, entre projections de longs-métrages en compétition, ciné-concerts, masterclass et autres filouteries concoctées par l’équipe de Mauvais Tours.
Un surfeur, des castors, une table basse et une substance bizarre
Et côté films en compétition, alors ? Le festival a débuté avec « The Surfer », réalisé par Lorcan Finnegan, avec un Nicolas Cage qui, coincé depuis dix ans entre infâmes navets et rares fulgurances, revient en force ici dans ce thriller psychologique pas comme les autres. Pas de cabotinage ici : l’acteur se plonge corps et âme (surtout corps), dans un récit où ce père de famille à la ramasse revient sur la plage de son enfance avec son fils pour faire du surf… mais se retrouve humilié et martyrisé par une tripotée de surfeurs bien gaulés aussi « imblairables » que tyranniques.
Avec ses cadrages audacieux, son gros travail sur le son, son atmosphère irrespirable et caniculaire, « The Surfer » plonge Nicolas Cage au large de la folie, en rajoutant ce qu’il faut d’humour noir pour faire fonctionner le tout.
D’humour noir, il devait aussi en être question dans « The Coffee Table » (ou « La Mesita del Comedor » en VO)… Pourtant, n’est pas Álex de la Iglesia qui veut. Ici, Caye Casas n’a pas réussi à nous scotcher ni nous entraîner dans ce film interminable (90 minutes, mais ressenti 12 heures), où une table basse ultra laide, objet de discorde au sein d’un couple, va totalement bouleverser la vie d’une famille.
Pas possible de dire pourquoi et comment, sous peine de spoiler un élément important et choquant du film… « The Coffee Table » s’étire encore et encore, et il ne se passe pas grand chose pendant tout ce temps, torpillé par des conversations ronflantes qui servent la descente aux enfers d’un homme qui va tout entraîner dans sa chute.
Mais comme quoi à tmv, il n’y a que des mauvaises langues (on sait, on sait) : « The Coffee Table » a remporté le Prix de la Sorcière qui couronnait le long-métrage le plus singulier (ça, c’est sûr), remis par le jury pro. Un jury pro, au passage, aussi accessible qu’adorable, composé de Chloé Delaume, Just Philippot, Samuel Bodin, et Lisa Nyarko)
Aux côtés de ce jury d’ailleurs, on a pu noter l’excellente participation des élèves en option cinéma du lycée Balzac à Tours qui constituaient le très assidu jury jeunes. Et c’est qu’ils ont bon goût, les bougres ! (ok, on dit ça parce qu’on a nous aussi choisi le même film) Car après un combat de catch dans la boue et des débats enflammés, le jury jeunes a remis son prix au film « Hundreds of Beavers ».
Signé Mike Cheslik, cet ovni filmique complètement maboul est probablement ce qui nous a le plus marqués ces dix dernières années. L’histoire ? Un vendeur d’eau de vie à la pomme doit passer de zéro à héros, en capturant une centaine de castors.
Film en noir et blanc, quasi-muet, budget dérisoire (et ça se voit !)… Les premières minutes font craindre le pire. Pourtant, « Hundreds of Beavers » se transforme vite en tornade hilarante, savant mélange de Looney Tunes, jeu vidéo, Tex Avery saupoudré de Chaplin et Keaton.
Cette comédie slapstick et cartoonesque est un tour de force comique, balançant un gag à la minute. C’est certes un poil long, mais le temps passe vite (coucou The Coffee Table) face à cette créativité sans limite. Clairement le film fauché le plus inventif de la décennie !
Fauché, « The Substance » ne l’est pas. Esthétique léchée, photographie ultra-travaillée, bande-son absolument phénoménale, casting 5 étoiles… Cette pépite de Coralie Fargeat a été auréolée du Prix du scénario à Cannes en 2024 et Mauvais Tours (qui le présentait en avant-première française) l’a sacré Grand Prix du festival.
« The Substance », qui aura été l’instant trash du week-end, remet Demi Moore sur le devant de la scène. Elle y incarne une star devenue has-been et « trop âgée » dans un milieu qui ne jure que par l’apparence physique et le paraître, le fake. Jusqu’au jour où elle découvre un nouveau produit, La Substance, à s’inoculer afin de créer une deuxième version de soi, plus jeune, plus sexy, plus parfaite. Seule condition : il faut permuter tous les 7 jours entre les deux versions sous peine de léger souci…
Film « body horror » teinté de satire féministe, « The Substance » est une prise de risque totale, une performance, et enchaîne les scènes choc dans son univers coloré suintant le star system hollywoodien. Lors de sa projection au festival de Cannes, les séquences graphiques explicites, sanglantes (et pour certains insoutenables), ont fait déguerpir fissa quelques spectateurs de la salle. A Tours, on a visiblement le cœur bien accroché : la salle est restée comble pendant ces 2 h 20 bien éprouvantes.
Bien moins gore, mais tout aussi « original » (doux euphémisme), on a aussi flashé sur « Rumours », délire WTF dans lequel les dirigeant(e)s du G7 se retrouvent paumés en pleine forêt alors qu’ils doivent écrire leur discours, entre cerveau géant, phénomènes étranges et zombies priapiques (!)… Malgré son ventre mou à mi-parcours, « Rumours » reste un drôle d’objet, prenant, et surtout blindé de délicieuses références, imitant sans vergogne Justin Trudeau et autres François Hollande (joué par un Denis Ménochet absolument hilarant et impérial) et Angela Merkel (Cate Blanchett, dont une séquence cut absolument culte).
On n’oubliera évidemment pas le Prix du public qui a été décerné au très beau « Flow » de Gints Zilbalodis, où un chat se réveille dans un univers envahi par l’eau, sans plus aucune vie humaine (ce qui, au passage, risque probablement de nous arriver) et l’incroyable « Apaches de la zone » de José Eon qui a obtenu le Prix du meilleur court-métrage. Un quart d’heure exquis, où un jeune rappeur, suite à un énième tournage de clip foireux, s’aventure dans les Catacombes et y découvre une « beuh magique ».
Reste désormais à croiser les orteils pour voir débarquer de nouveau Mauvais Tours à Tours pour sa deuxième édition. Mais notre petit doigt nous dit que c’est bien parti…
Aurélien Germain
Remerciements particuliers à Théophile Lorilleux, Simon Riaux et Nicolas Martin
Le palmarès :
Grand Prix, remis par le Jury professionnel (long-métrage)
The Substance, de Coralie Fargeat
Prix de la Sorcière, remis par le Jury professionnel (long-métrage le plus singulier)
The Coffee Table, de Caye Casas
Prix du Jury jeune
Hundreds of Beavers, de Mike Cheslik
Prix du Public
Flow, de Gints Zilbalodis
Prix du meilleur Court-Métrage
Apaches de la zone, de José Eon