Festival Mauvais Genre : "Le public ne triche pas"
Publié le 23-03-2016 07:44:09 Modifié le 05-04-2019 16:31:50
Tmv a attrapé au vol le président et fondateur du Festival Mauvais Genre, Gary Constant. Le Tourangeau revient sur les 10 ans de son bébé, balance les anecdotes, cause culture et choucroute avec Spielberg pour une interview bon chic, bon genre. Ou pas.
Mauvais Genre a déjà 10 ans ! Alors, ça fait quoi ?
Je n’y ai pas réfléchi. Je vois surtout le chemin qu’on a parcouru aujourd’hui. Dix ans, c’est ni long ni court. C’est une réponse de Normand, ça ! (sourire) On est fiers d’avoir réussi à proposer ça, eu égard aux moyens qu’on nous propose. Si on devait s’arrêter là, on n’aurait pas à rougir. Le hic, c’est qu’on aurait aimé plus de moyens pour notre anniversaire. Sans pour autant taper dans le champagne et le caviar, hein ! Mais on fera avec… Sinon oui, il y a 10 ans, j’aurais éclaté de rire si on m’avait dit qu’on serait toujours là. Maintenant, c’est un mélange d’agréable surprise et d’étonnement. Mauvais Genre est une anomalie : comment ça se fait qu’on soit encore là ?!
Pourquoi alors ?
Je ne sais pas. C’est un gros facteur chance.
Modeste , va !
Non, non. Il y a eu beaucoup de chance pour les invités, les réalisateurs qui ont pu venir, etc. Il y a 2, 3 ans, on aurait déjà dû cesser d’exister. Même s’il y a beaucoup de spectateurs, on ne renfloue pas les caisses. Mais on est toujours là. C’est génial.
C’est quoi, en fait, le budget du festival Mauvais Genre ?
Normalement, le festival devrait coûter 70 000 – 80 000 €. Au final, on le fait avec 20 000 €.
Ah oui, donc le manque de subventions…
Les institutions ne voient pas pourquoi elles devraient donner plus, vu qu’on arrive le faire avec si peu. Or, si on doit prendre de l’ampleur, il faut des subventions. Mais c’est un engrenage. Si les donneurs privés et les mécènes voient qu’il y a une frilosité de la part des institutions et des collectivités, ils vont douter. Et ne pas donner non plus.
Tu as des anecdotes qui te reviennent parmi toutes les éditions de Mauvais Genre ?
Je me souviens d’une choucroute avec Spielberg… (éclat de rire) Non, je déconne. Euh, Benoît Delépine par exemple (connu pour son rôle de Michael Kael dans le Groland-NDLR). Il avait un coup dans le nez au pot d’ouverture. Mais c’est dingue, la popularité de ce mec et l’attitude des gens à son égard. C’était hyper bon enfant. Le soir, des jeunes du Sanitas ont voulu prendre des photos avec « Michael Kael » et que, si on avait besoin, ils pouvaient le raccompagner. Il y a aussi eu Francis Renaud, l’an dernier, qui voulait piquer les sigles des BM stationnées pour démarrer une collection (rires) ! (On vous rassure, il ne l’a pas fait – NDLR) Nous ne sommes jamais tombés sur un con qui ait mis une mauvais ambiance. Le retour du public est très intéressant. Le public ne triche pas.
D’ailleurs, il y a vraiment un « public Mauvais Genre ». Il y a toujours de l’ambiance, c’est sympa et ça me fait penser à une grande famille. Toujours prête à crier « à poil Gary ! » d’ailleurs…
Pour les 10 ans, ce serait étonnant que ça n’arrive pas ! Pour la Nuit interdite, ok. Mais pour l’ouverture du festival, évitez quand même. Soyons sérieux ! (sourire)
Y a-t-il un(e) invité(e) qui t’a vraiment marqué ? À part Spielberg et sa choucroute, bien sûr.
Il y a eu… Delépine, car c’est devenu un ami. Le dessinateur Philippe Caza. Ou encore le cinéaste Jean Rollin, décédé quelques mois après, qui avait vraiment amené une patte fantastique. Et l’acteur Francis Renaud, quelqu’un de très franc. Et une grande partie du cinéma n’aime pas la franchise.
Cette 10 e édition a été un peu difficile à mettre en place…
Il y a aussi eu une campagne de financement participatif pour aider un peu… Au bout de 10 ans, on ne peut hélas pas se dire manifestation pérenne. C’est dommage, car on a fait nos preuves même si je sais bien qu’il y a la situation économique, etc. Mais on risque de s’essouffler.
… Mais je voulais avoir ton regard sur la culture à Tours ?
Je pense que Tours est en train de s’endormir. Pour moi, les choses ont changé, mais pas en bien. Avant, il y avait une dizaine de concerts par semaine. Maintenant, c’est bien rare. Ça fait vieux con de dire ça, mais bon. Ma parole est apolitique, mais que ce soit la droite ou la gauche, il n’y a pas eu de choses concluantes. Le potentiel n’est pas assez exploité. C’est dommage, vu le passé culturel de la ville. Là, c’est le citoyen qui parle : Tours va lentement vers la léthargie. Le néant culturel menace. Et je parle de la culture populaire, pas élitiste…
Tiens, il se passe quoi dans ta tête, 10 minutes avant le début du festival ?
De l’anxiété un peu, bien sûr. Peur du pépin de son, d’image… L’ouverture donne le tempo. Je me demande alors si le public est réceptif. S’il ne jette pas de tomates, ça va… (rires)
Mauvais Genre ne serait rien sans les bénévoles…
Bien sûr, impossible de ne pas aborder les bénévoles. Derrière moi, il y a toute une équipe, solide, compétente. Sans eux, je ne serai rien du tout. À l’année, il y en a une vingtaine. Pendant le festival, on tourne à 40 bénévoles environ.
Au départ, le festival était axé sur l’horreur. Désormais, cela brasse bien plus large. Pourquoi ?
Dès le début, je voulais un maximum de genres. Mais je n’avais pas le carnet d’adresses. Du coup, il était plus aisé d’avoir des films d’horreur. Mais à la troisième édition, on a commencé à faire entrer de la comédie, du drame. Maintenant, le public nous fait confiance, veut des surprises au niveau des films. C’est un rendez-vous entre curieux, passionnés et néophytes. Ils viennent chercher une gamme de sensations.
Parmi les films proposés cette année, quels sont ceux qui t’ont vraiment mis une claque ?
Ah, la fameuse question… Mmh, je dirais 13 Hours, de Michael Bay, qui sera diffusé à la cérémonie d’ouverture. Il évite tout patriotisme con-con, c’est carré et étonnant. Vraiment immersif, sans en faire des tonnes. Sinon, à la Nuit interdite, il y aura The Forgotten, d’Oliver Frampton qui sera d’ailleurs présent. C’est un mélange entre la dénonciation sociale à la Ken Loach et la vraie peur à la Nakata dans The Ring. Il y a aussi Sunset Edge, une dérive à la Gus Van Sant, avec du fantastique. Vraiment surprenant… Et Alki Alki : il fait partie de la nouvelle génération du cinéma allemand. Ça passe par toutes les gammes d’émotion… Comme Mauvais Genre !
Grand entretien par Aurélien Germain