Interview : "Une proposition de loi dogmatique"
Publié le 08-10-2014 07:15:55 Modifié le 08-10-2014 07:15:55
Julien Bourdoiseau, Maître de conférences à la Faculté de droit de Tours et co-directeur du Master II juriste d’entreprise, commente le projet de loi croissance.
« Professions réglementées », le terme apparaît dans tous les médias, pouvez-vous le définir ?
Le terme est galvaudé. En France, rares sont les métiers qu’on peut exercer sans justifier d’une formation diplômante. Exception faite de l’exercice du commerce, toutes les professions sont réglementées. L’artisan coiffeur, qui souhaite s’installer, doit être en possession d’un brevet professionnel. À défaut, pas d’inscription à la chambre des métiers. Ce qui est original, avec les professions visées par le projet de loi du ministre Macron, c’est qu’elles sont parmi les plus contrôlées (la tarification des actes notamment, NDLR).
Qu’est-ce que le gouvernement chercherait donc à faire ?
L’intention affichée est de casser le monopole de ces professions. Seulement, l’État n’a pas les moyens de son ambition : le gouvernement va devoir indemniser le manque à gagner de ces professionnels, qui ont beaucoup investi dans leurs entreprises (à sa demande). Il devra également palier les pertes inévitables d’emplois. Les six milliards de pouvoir d’achat que Montebourg promettait de redonner aux Français n’y seront pas.
C’est contre-productif, pour vous, d’ouvrir ces professions à la logique de marché ?
Elles le sont déjà ! C’est fini le temps où nous nous contentions du notaire de famille. Aujourd’hui, plus qu’hier, le consommateur sait mettre en concurrence les professionnels du droit. Non, je crois que ce projet de loi cache finalement autre chose. Je crains qu’un matin, quelques conseillers zélés du ministère se soient convaincus qu’il était grand temps de se payer les pharmaciens… Mais les professionnels visés ont été formés par l’Université, qui les a sélectionnés au mérite. Leur réussite est le fruit de leur travail et non celui de leur condition. Ils gagnent de l’argent. Et alors ? On grince des dents au plus haut niveau de l’État. Eh bien quoi ? Ce n’est pas une proposition de loi logique, mais dogmatique !
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