"Les auteurs de polar ont le courage de l'imaginaire"
Publié le 23-11-2018 09:33:28 Modifié le 23-11-2018 09:33:28
Tourangelle d’origine, Sophie de Lamarlière a cofondé Mirobole Editions en 2013. Sa maison offre une large place au roman noir étranger. Trois questions à une éditrice passionnée.
C’est une envie de voyager, j’ai appris beaucoup de choses et je me suis imprégnée de cultures étrangères que j’ai découvertes en lisant des écrivains de différents pays. Nous avons résumé ce point de vue avec notre base line, « voyages littéraires en terres étrangères ». Mirobole Editions propose trois collections : Horizon noir, Horizon pourpre et Horizon blanc. En terme de polars, beaucoup de choses me semblaient encore à faire. La France se limitait trop aux auteurs anglo-saxons ou nordiques, c’était dommage de ne pas faire entendre d’autres voix.
Tous les livres édités par Mirobole témoignent d’un certain surréalisme, un trait rarement lié au genre du polar en France.
On a l’habitude de voir le réel à travers beaucoup de barrières mentales, cette espèce de surréalisme permet de les lever. Le polar n’est pas forcément morbide ; il porte aussi une part de critique sociale, politique, humaine. Nos auteurs portent un regard acéré sur la réalité, ils racontent la noirceur par le biais de l’humour, du cocasse, du burlesque ; cette alternance de regards, parfois mélangés, est une richesse.
Elle permet d’aller au bout d’un supposé narratif, de la folie via un personnage, de parler de no man’s land sociaux… Pousser les choses à l’extrême permet de partir très loin dans l’imaginaire, dans la critique, de retourner les préjugés.
Dans Un été sans dormir, Bram Dehouk (qui a reçu le prix du meilleur premier roman noir néerlandophone) gratte le vernis d’une population réputée sans histoire, dans une petite ville de Belgique : ce qui apparaît est loin des apparences !
Comment expliquez-vous le succès grandissant du polar ?
La littérature est un pacte avec le lecteur : « Je vais te raconter une histoire et on va faire mine que c’est vrai. » Dans le polar, ce pacte est clair, il s’agit de faire passer des nuits blanches au lecteur. Les auteurs de polar assument leurs ficelles, même si les très bons auteurs explosent toujours un peu les genres et mélangent différents styles.
Il y a deux écoles dans le polar français, le roman noir toise le thriller mais c’est dommage car on lit tous ce genre pour le suspense, on a envie de connaître la suite, de savoir si l’assassin va être arrêté ou si l’héroïne va être tuée. Un polar haletant, il n’y a rien de mieux ! Le suspense est un code intrinsèque au polar. Toute la vie des personnages tourne autour, le livre devient un manège et le lecteur est obligé de monter dedans. En France, trop d’auteurs ont oublié l’art de la narration, ils ont abandonné les lecteurs en allant vers l’auto-fiction. Les auteurs de polar ont le courage de l’imaginaire.
Mais les réticences du milieu littéraire à l’égard du polar sont en train de tomber. L’Affaire Joël Dicker a eu le prix de l’Académie française et nos auteurs ont parfois leur place sur les tables de littérature.