« Comme les extraterrestres, la théorie du genre n'existe pas »
Publié le 06-02-2014 11:12:00 Modifié le 06-02-2014 11:12:00
L'universitaire Georges-Claude Guilbert spécialiste d'études sur le genre, revient sur la polémique autour du programme, l'ABCD de l’Égalité, expérimenté dans plusieurs écoles françaises.
Mais que s’est-il passé pour que la polémique prenne sur ce programme, l’ABCD de l’égalité, dans les écoles ?
Je pourrais parler de conspiration, les meneurs de la manif’ pour tous, après avoir perdu sur le mariage gay, ont essayé de retrouver une nouvelle cause. Ils parlent d’une colère, mais contre quoi ? Contre qui ? Il s’agit pour eux de gagner la bataille de la reproduction. C’est un fantasme. Ils essayent de pointer du doigt un bouc émissaire, dans ce cas précis, ce sont les enseignants dans leur ensemble, la gauche « caviar », les « intellos »… Pourtant, ils devraient regarder en arrière. Depuis 1989, le ministère favorise ce type de programme qui favorise l’égalité entre les hommes et les femmes, dans l’Éducation nationale et dans l’Enseignement supérieur. J’ai travaillé pour ce dernier il y a quelques années et j’ai pu voir que la classe politique, de gauche comme de droite, était sensible à l’égalité entre les femmes et les hommes. En Europe, la directive sur le sujet existe depuis 12 ans. Cet ABCD de l’égalité est seulement une application. Il permet de faire réfléchir sur les stéréotypes qui touchent les femmes, les hommes. Mais surtout pas de transformer les petits garçons en petites filles, et les filles en petits garçons. Ces réactionnaires oublient de dire que c’est une lutte contre le sexisme internalisé, une façon de rétablir l’égalité .
Le terme « théorie du genre » a été repris dans beaucoup de médias, qu’implique-t-il ?
Comme les extraterrestres, ça n’existe pas. C’est une invention des collectifs réactionnaires, des mouvements catholiques extrémistes qui part d’une pure mauvaise foi et qui sert à la manipulation dans la droite lignée des théories du complot. Les universitaires qui travaillent dans les études sur le genre sont directement visés. Il y a de véritables efforts de fait dans les ministères de l’éducation et dans celui de l’enseignement supérieur pour répandre ces études.
Concrètement, comment se traduit ce programme dans les salles de classe ?
C’est très simple, les enseignants montrent qu’il est possible de tout faire. Si une petite fille veut devenir chauffeuse de poids lourds mais qu’elle dit « mais je peux pas, parce que je suis une fille » son professeur va la questionner, la faire réfléchir et lui montrer qu’elle peut finalement le faire si elle le souhaite. Non, ces enfants ne sont pas en danger ! Bien au contraire, ce programme touche plus largement à la notion de respect, à assimiler les différences et à ne surtout pas les uniformiser.
Pourquoi cette réaction ?
Comme nous avons pu le constater par le passé, dès qu’une société réalise un progrès social se met en place une réaction inverse. Le mariage gay a été vécu pour certains comme une révolution. C’est une campagne de panique qui grandit grâce à la rumeur. Il y a derrière ces manifestations des stratèges politiques qui manipulent les foules. Tout leur discours repose exclusivement sur la peur, celle de la nouveauté, de l’autre.
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