Quartier bobo, ouvrier, petit village... Velpeau a ses appellations mais il a surtout des habitants qui le font vivre. Même s'ils viennent d'horizons différents, ils ont tous un morceau du quartier en eux.
Gérard, le pilier de quartier
Derrière son bar, il s’active. Sert café sur café, file en cuisine préparer une ou deux copieuses assiettes « frites-merguez ». Et surtout, son nom résonne à chaque instant. Gérard par-ci, Gérard par-là, entre les tintements des tasses des clients. Gérard, c’est l’emblème du Vel’Pot, bar mythique de la place Velpeau. Celui que tout le monde vient saluer, présent six jours sur sept. « Je suis un serveur + », lâche-t-il avec fierté. La patronne, Saâdia, est occupée par son restaurant en face de la place. Alors, elle lui a fait confiance et Gérard a pris du galon sur le terrain. « Je me donne beaucoup pour mon travail », indiquet- il, timide. Pas besoin de le dire, tout le monde le constate. « Il se donne à fond le dimanche, jour de marché et il garde le même rythme le reste de la semaine », raconte Marie-Lise, pharmacienne souvent de passage au bar. Gérard précise qu’il n’aime pas « parler de lui ». Il est là pour écouter. Les doléances, les histoires, les peines et les joies des habitants du quartier. Le quadragénaire croit dans le rôle social du barman. « Il faut être à l’écoute des gens. J’aime ce contact. Je ne pourrais pas travailler dans un cinq étoiles », explique-t-il, mimant le comportement guindé des garçons de cafés luxueux. Le serveur connaît beaucoup de ses habitués. Peu connaissent son histoire. Celui d’un fils d’immigrés portugais, qui a grandi aux Halles et qui est passé par le lycée Albert Bayet. Il n’a aucune formation dans la cuisine, a été préparateur de commandes et bossé à l’usine. En travaillant à Léon de Bruxelles, puis à l’Univers, il a trouvé sa voie. Gérard est désormais à sa place. « Derrière le comptoir, dans un bar de quartier ».
DAVID GREGORIO ET DOMINIQUE OSTY, BAD FOOTBALLEURS
Les deux compères ont encore le sourire aux lèvres quand on leur parle du match. Celui de l’équipe de France qui se qualifie pour la Coupe du monde en battant l’Ukraine (3-0). « On y croyait tous », sourit David. Ils ont vibré chez Dominique, avec cinq autres joueurs de Bad’Velpeau, l’association sportive qui comporte trois équipes de foot et une section badminton. Des souvenirs de belles rencontres, ils en ont à la pelle, chaque semaine. « L’année dernière, nos deux équipes ont remporté la coupe, sur le même terrain, au même moment », se réjouit Dominique. Leurs équipes jouent en championnat Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT). Pas d’entraînement fixe, pas de pression. Les matches de championnat sont organisés dans la semaine. « L’idée, c’est que ça ne prenne pas le pas sur la vie de famille, le week-end », continue Dominique. Un fonctionnement souple se mariant avec l’état d’esprit des gars. Convivial et joyeux. « Nos joueurs sont dans cet esprit cool, sans prise de tête. On ne veut pas de mauvais geste sur le terrain, on ne joue pas la Ligue des champions ! », explique David. L’équipe se compose de « voisins-copains », comme ils aiment se définir. Des recrutements s’opèrent à la sortie de l’école, dans des repas de quartier. « S’il y a quelqu’un qu’on ne connaît pas, on lui demande. Et puis, dans notre équipe, il y a des gars qui n’ont jamais joué au foot ! », poursuit David. Alors, dans cette ambiance, il y a forcément un moment qu’ils apprécient et qui symbolise Bad’Velpeau. Ils se marrent : « la 3e mi-temps ».
Contact : d.osty@wanadoo.fr , dgregorio@free.fr Avis aux fous du volant : la section badminton recrute !
ANNE DÉSIRÉ, JEUNE V.I.O.C.C
Elle n’est pas originaire de Tours mais elle connaît le quartier depuis longtemps. Sa cousine habitait rue de la Fuye. «J’allais la voir quand j’étais jeune. Déjà, je le trouvais vivant, j’adorais le marché. L’accessibilité, la proximité de la gare », raconte Anne Désiré en ressassant ses souvenirs. La présidente de l’association V.I.O.C.C a même habité un an ici durant son DUT « Carrières sociales ». Et puis, ses études et sa carrière l’ont amenée à Paris. « Super quand on est célibataire ou en couple sans enfant. Il y a de très bons côtés. Et en même temps, l’aspect métroboulot- dodo est bien réel… », juget- elle, avec recul. Avec son conjoint, ils choisissent de revenir à Tours, en 2005. 50 à 70 maisons visitées, 2 seulement à Velpeau. Et c’est l’une d’elles qu’ils choisissent. « Ça donne l’impression d’être à la campagne alors qu’on est en centre-ville », se réjouit-telle. Attaché à l’engagement associatif, elle saisit l’occasion pour son retour à Velpeau. Elle rejoint V.I.O.C.C, créée cinq ans plus tôt par des jeunes couples ne se retrouvant pas dans les actions du comité de quartier. Batuk, Cinétransat, fête de l’asso : de nouveaux moments de rassemblements s’organisent et V.I.O.C.C retravaille avec le comité de quartier. « On est au service du quartier et des habitants », explique-t-elle. Elle raconte les nombreux repas de rue, les voisins qui se saluent sur la place Velpeau. Anne Désiré conclut : « Un tel dynamisme de l’association est aussi dû à la configuration du quartier. On se croise beaucoup. Il y a une forte relation de voisinage. »
PAULETTE BARRÉ, LA DOYENNE
Elle débite anecdote sur anecdote. Paulette Barré, 93 ans et demi, est intarissable. « Dans la rue Bellanger, où j’habite, il y avait une épicerie. À l’angle, un café », raconte-t-elle, remontant ses souvenirs de Velpeau. Elle vit dans le quartier depuis 1938. Elle l’a même fréquenté avant, en étant scolarisée à l’école des Abeilles, même si elle habitait Saint-Pierre-des-Corps. Paulette Barré peut donc se targuer d’être la mémoire du quartier. Elle se rappelle de sa jeunesse. Une époque dorée. « Tous les ans, on avait une fête sur la place. Il y avait la batterie du patronage laïque, des manèges, des courses de vélo. Et je me souviens m’être esquintée le genou avec une auto-tamponneuse », raconte-t-elle. La doyenne ponctue quelques récits d’un rire franc. Pour, peut-être, exorciser des histoires plus sombres. Paulette Barré retrace la période 1939-1945 d’un ton plus ferme. « Mon mari avait été fait prisonnier. Ici, on crevait de faim. Je prenais mon vélo pour aller me ravitailler à Bossée », explique-t-elle. Elle se souvient, une fois, sur la route de Vouvray. « J’étais à vélo avec une amie. Des tirs de mitraillette ont éclaté, on s’est réfugiées dans un champ », conte Paulette Barré. Son mari rentré après la guerre, elle a repris une vie classique. Elle a toujours aimé le quartier, son marché le dimanche. Elle n’a jamais envisagé de le quitter. Paulette Barré montre avec joie les pièces et trésors de sa maison. Meubles en bois ancien, fine vaisselle impeccablement rangée, mini-jardin. Elle sourit. « Avec tout ça, où voulez-vous que j’aille ? »