Procès des mariages chinois : cartes sur table
Publié le 07-10-2015 07:25:42 Modifié le 07-10-2015 07:25:42
Le procès des mariages chinois s'ouvre mardi 13 octobre, à Tours. Sept mois après le suicide de Jean Germain. Pour en comprendre les enjeux, retour chronologique sur cette affaire qui empoisonne la vie tourangelle depuis quatre ans.
Tours fête le Premier de l’An chinois et Jean Germain, alors maire de la ville, rencontre Lise Han qui a participé à l’organisation des festivités. L’élu veut offrir à Tours une stature internationale. Il est persuadé que la french touch tourangelle peut se vendre en Chine. D’origine taïwanaise, dynamique, séduisante, Lise Han connaît bien le pays, elle a de l’entregent et lui apparaît comme la femme de la situation.
2008
Jean Germain charge Lise Han des relations France-Chine et elle entre officiellement au cabinet du maire pour organiser l’opération « noces romantiques en Touraine ». Le concept est simple : proposer à des couples chinois de venir à Tours renouveler leurs voeux de mariage à la française. Coût du séjour clé en main pour les amoureux : 3 000 euros. La mairie lance un appel d’offre, une société, Time Lotus Bleu, remporte le marché. Elle est chargée de vendre en Chine ces voyages romantiques, puis d’organiser le séjour sur-mesure.
2009 À 2011
Les « noces » se succèdent, par petits groupes. Les amoureux sont accueillis et totalement pris en charge : coiffés, maquillés, promenés en calèche dans les rues de Tours, ils sont ensuite immortalisés sur le perron l’hôtel de ville, au bord de la Loire, dans les vignobles, puis invités à faire leur shopping dans les grands magasins de la ville privatisés toute une soirée. Au fil des mois, plus de 200 couples chinois viennent s’embrasser dans la grande salle des fêtes de la mairie, sous l’oeil ravi de Jean Germain.
3 AOÛT 2011
Le Canard Enchaîné publie des copies de factures envoyées anonymement au journal. Toutes payées par la mairie, elles révèlent un conflit d’intérêt entre Lise Han, responsable des marchés publics pour les mariages chinois et la société qui remporte tous ces marchés depuis 2008, Time-Lotus Bleu,… dont elle est la gérante. Le parquet de Tours ouvre une enquête.
NOVEMBRE 2011
Lise Han est licenciée du cabinet du maire et reclassée à l’office de tourisme du Val-de-Loire, sous la direction de Jean-François Lemarchand.
DÉCEMBRE 2012
L’office de tourisme licencie Lise Han.
25 JANVIER 2013
Après deux jours de garde à vue dans les locaux de la police d’Orléans, Lise Han est mise en examen pour escroquerie, tentative d’escroquerie, recel de fonds publics et prise illégale d’intérêt. La justice lui reproche sa double position de chargée des relations avec l’Asie auprès du maire de Tours et de gérante de la société Time-Lotus Bleu. Lise Han doit également s’expliquer sur des factures que la justice estime injustifiées payées par la mairie. Lise Han refuse d’être la seule inquiétée dans ce dossier. Elle déclare : « J’ai réalisé exactement ce que me disait de faire le maire. »
FÉVRIER 2013
Le mari de Lise Han, Vien Loc Huynh et son ex-mari, Marc Cheung, sont à leur tour mis en examen. Le premier pour les mêmes motifs que son épouse et le second pour complicité d’abus de bien social. Les enquêteurs suspectent Lise Han d’avoir continué à gérer de fait la société Time-Lotus Bleu après 2008 et d’en avoir confié la gérance fictive à son mari, tandis qu’elle continuait à travailler pour la collectivité, rémunérée 3 500 € par mois, pour organiser les mariages chinois.
6 FÉVRIER 2013
Jean-François Lemarchand, directeur de l’Office de Tourisme de Tours est à son tour mis en examen. La justice le suspecte d’avoir embauché Lise Han pour un emploi fictif à la Société publique locale de tourisme (SPL) ce qui constitue un détournement de fonds publics. Devant les enquêteurs et le juge d’instruction, Jean-François Lemarchand affirme « avoir engagé Lise Han après avoir cédé à des pressions de ses supérieurs ».
François Lagière, le directeur de cabinet de Jean Germain à la mairie de Tours est mis en examen pour « complicité de prise illégale d’intérêt et complicité d’escroquerie. »
30 MAI 2013
Faute d’avoir versé la caution exigée par la justice, Lise Han est placée en détention. Elle sera libérée fin août 2013.
6 OCTOBRE 2013
Lors de l’emission Sept à huit, sur TF1, Jean Germain déclare avoir été abasourdi quand il a découvert les liens de Lise Han avec la société Time-Lotus : « Elle m’a fait un enfant dans le dos. Je me suis fait avoir. Mais quand on est maire d’une grande ville on n’a pas le droit. »
31 OCTOBRE 2013
Jean Germain est mis en examen pour « pour complicité passive de prise illégale d’intérêt et complicité passive de détournement de fonds publics ». Il n’est reproché au maire aucun enrichissement personnel.
4 FÉVRIER 2014
Une confrontation a lieu, au palais de justice de Tours, entre le maire Jean Germain et son ancienne collaboratrice. Elle durera 14 heures et chacun campe sur ses positions. Lors de cette même confrontation, Jean-François Lemarchand aurait confirmé avoir embauché Lise Han sur ordre de Jean Germain.
DÉCEMBRE 2014
Lise Han est interpellée à l’aéroport de Roissy, alors qu’elle tentait de s’embarquer pour la Chine, passant outre son interdiction de quitter le territoire. Elle explique par la voix de son avocat avoir voulu rendre visite à son père mourant. Suite à cet épisode, elle sera assignée à résidence sous surveillance électronique. Mais elle se débarrassera de son bracelet une heure après sa pose et sera de nouveau placée en détention. Elle y restera pendant huit semaines.
11 FÉVRIER 2015
Les Prud’hommes donnent raison à Lise Han face à son ancien employeur, la SPL. Elle obtient 48 000 € d’indemnités pour licenciement abusif.
7 AVRIL 2015
Le procès doit s’ouvrir devant le tribunal correctionnel de Tours. Au matin de l’audience, l’ancien maire, Jean Germain, choisit de mettre fin à ses jours.
Textes : Elisabeth Segard et Matthieu Pays
Dessins : NRV
Catégories : News