Marie-Jo Bodin de la Cité des formations de Tours : "Le nombre de CFA a doublé dans notre région"
Publié le 12-02-2025 08:26:07 Modifié le 04-02-2025 11:31:32
Marie-Jo Bodin est directrice depuis douze ans de la Cité des Formations, CFA à Tours Nord. Elle revient avec nous sur l’explosion des formations en alternance des dernières années.
En douze ans le monde de l’alternance a-t-il beaucoup changé ?
Oui, depuis 2018 et le tsunami de la « Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Ce texte a modifié notre modèle économique, en faisant passer les CFA d’une logique de subvention (par les conseils régionaux), à une logique de chiffre d’affaires. Aujourd’hui, nous ne dépendons plus du code de l’éducation mais du code du travail. Et l’équation est : un contrat = un financement.
C’est donc la chasse aux apprentis pour les CFA, pour pouvoir financer leur fonctionnement ?
Disons qu’on est sur une logique de marché, où l’ouverture de formations n’est plus soumise à autorisation des Régions. Aujourd’hui tout est libéralisé et dérégulé. C’est pour cela que le nombre de CFA a doublé dans notre région, certains profitent de l’effet d’aubaine. Et en tant que directeurs de CFA, nous sommes devenus des entrepreneurs, en concurrence les uns avec les autres malgré des situations variées (loyers, appui de branches professionnelles ou réseaux types CCI…). Sans compter les lycées professionnels qui dépendent de l’Éducation nationale et n’ont donc pas leurs bâtiments et masses salariales à assumer.
L’apprentissage serait pour certains la poule aux œufs d’or ?
Sauf que la ressource et la collecte auprès des entreprises (la taxe d’apprentissage, mais aussi la CFP, contribution à la formation professionnelle) qui permettent les aides de l’État n’ont pas bougé. Le système est donc déficitaire, cela commence déjà à produire une régulation « naturelle ».
Va-t-on vers la fin de l’âge d’or de l’apprentissage ?
Le réseau des directeurs de CFA (la Fnadir) constate que les effectifs sont en baisse, y compris dans le supérieur. C’est lié à une baisse démographique, qui va nous toucher durant une dizaine d’années, mais aussi au contexte économique et politique. L’attente de nouveaux décrets nous met dans l’incertitude pour construire nos budgets, tandis que les entreprises sont frileuses car elles ont du mal à se projeter. Cependant le développement de l’alternance dans le supérieur suite au tsunami de 2018 a non seulement permis de bousculer nos process dans le bon sens, mais il a aussi aidé à revaloriser ce mode de formation. Une nouvelle image dont les CFA bénéficient aussi.
Propos recueillis par Emilie Mendonça
Photo : archives NR