Métiers. L'IA chez les professionnels, amie ou ennemie ?
Publié le 06-11-2024 07:56:17 Modifié le 05-11-2024 10:03:28
C’est bien un être humain qui écrit ces lignes ! À la plume (ou plutôt au clavier) aujourd’hui, c’est bien Emilie, partie à la rencontre de Tourangeaux et Tourangelles dont les métiers ont déjà évolué avec l’intelligence artificielle.
Dans l’informatique, l’IA est omniprésente. Ainsi François, développeur, s’en sert au quotidien. « Nous avons même des IA intégrées à nos logiciels, qui répondent à nos questions et suggèrent spontanément des contenus en fonction de ce qu’on a déjà codé du projet. »
De là à laisser l’IA coder toute seule un programme ou un site web entier, il y a tout de même un pas de géant selon lui : « Ces outils ne sont pas encore 100 % performants, les propositions sont parfois erronées, il faut donc toujours garder son œil critique, être capable de comprendre la réponse de l’IA et de la corriger. Aujourd’hui, elle nous aide à gagner du temps, mais c’est encore un assistant qu’il faut surveiller et encadrer, car cet assistant est plus ou moins stupide selon les cas ! »
Clarifier une idée de temps en temps
Un assistant ? C’est aussi la vision de Guillaume, consultant en stratégie commerciale, qui délègue aujourd’hui volontiers à ChatGPT la création de listing d’entreprises ou de base de données clients, qu’il n’aura plus qu’à vérifier ensuite. « C’était un travail ennuyeux, qui prenait énormément de temps. » Et si ChatGPT peut aider à clarifier une idée de temps en temps, tant mieux !
Création de photos, d’affiches ou de logos en quelques secondes : les métiers créatifs sont-ils menacés par l’IA ? Arnaud et Marie, du studio créatif Locomo, pensent que l’humain gardera toujours la main dans leur métier : « Ce que viennent chercher les clients, c’est tout le process, avant le résultat, d’autant qu’on travaille sous forme d’ateliers avec eux pour notre design print. Les rencontrer, comprendre leurs besoins, avant d’aller vers la production, c’est ce que l’IA ne peut pas faire. »
Utile pour rédiger quelques textes pour remplir un site web, ou pour esquisser une idée de départ que Marie travaillera ensuite à sa manière, l’intelligence artificielle s’occupe aujourd’hui pour eux de tâches rébarbatives ou techniques, sans remplacer leur créativité et leur expérience client.
Même chose pour Jérôme, de l’agence de communication Komodo. Il utilise parfois l’IA pour compléter l’arrière-plan d’une image : « Mais il faut savoir rédiger correctement le prompt (la commande passée à l’IA) pour avoir un bon résultat, et ça prend du temps pour être efficace là-dessus. » Et si les clients de Jérôme n’ont pas de temps à consacrer à leur communication, ils n’en auraient pas pour rédiger un prompt eux-mêmes, donc pas de menace à l’horizon !
Jérôme pense donc que son expérience, son art de manier les logiciels de création graphique et sa créativité prendront toujours le pas sur le recours à l’intelligence artificielle : « Je pense aussi qu’il y a un respect du travail mené par les pros, une reconnaissance de leur savoir-faire ».
De l’IA… jusque chez les psychologues !
Plus surprenante, son arrivée chez les psychologues. Mais là encore, elle est cantonnée aux basses besognes. Léa, psychologue en libéral, ne s’en cache pas : « Traiter les résultats de certains tests était très laborieux, comme les fameux tests de QI. Alors plutôt que de se reporter aux grilles d’un livre pour savoir dans quelle intelligence le patient est le plus doué, pourquoi ne pas donner ce travail à l’IA ? À nous ensuite d’analyser les forces et faiblesses de la personne à partir de ces premiers résultats. »
Mais l’IA peut-elle aussi nous soigner, répondre à notre mal-être ? « Elle a l’avantage de répondre immédiatement à votre question, là où le psychologue n’est pas toujours disponible au moment où vous l’appelez. Peut-être qu’elle pourrait être utile pour des questionnements légers ? Mais comme tout outil, il faut savoir l’utiliser. Si la personne arrête de se nourrir, de dormir, perd le contrôle, alors il y a danger, comme l’ont montré quelques cas récents (un ado américain s’est suicidé suite à une relation avec une IA – NDLR). Mais en tant que psychologues nous devrons aussi nous y adapter, car elle va faire partie de la vie de nos patients et il faudra la prendre en compte. Et qui sait ? Si un jour j’ai moins de patients car tout le monde va mieux, c’est tant mieux ! »
Alors, vers où allons-nous ? Un monde infernal où l’IA nous remplacera et règnera sur nos vies ? Ou un univers professionnel où elle sera l’assistant de rêve s’occupant de tout ce qu’on n’aime pas faire ?
Emilie Mendonça
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