Nostalgie Bac : on a repassé les maths !
Publié le 28-05-2014 07:33:49 Modifié le 28-05-2014 07:33:49
À un mois du bac, les révisions s’accélèrent et le stress s’accumule. Pour comprendre ce qui se passe dans la tête d’un lycéen, un de nos journalistes est allé repasser son bac… Enfin juste l’épreuve de maths. (Photos tmv)
Jeudi dernier. 13 h. Après avoir rapidement déjeuné, je prépare mon sac. Aujourd’hui, je passe mon bac. Feuilles de brouillon, trousse complète, bouteille d’eau. Je suis fin prêt. Direction le lycée Sainte-Ursule, dans le centre-ville de Tours, où se déroule l’épreuve. Dans le bus, je regarde mes pieds et tente de me remémorer une dernière fois les points clés du programme. Une fois arrivé au lycée, je suis accueilli par un membre de l’équipe enseignante qui me conduit à la salle d’examen. La traversée de la grande cour du lycée me paraît interminable. Des lycéens discutent à côté de la grille, d’autres sortent du bâtiment principal pour rejoindre le réfectoire. Je fuis les regards et m’efforce de rester concentré.
J’arrive dans la salle du 2e étage, la boule au ventre. Les rangées de tables scolaires en PVC se succèdent jusqu’au grand tableau noir. Pas d’horloge, aucune inscription sur les murs, pas un bruit, un brin austère. Je m’installe, seul, dans cette grande salle de classe vide.
« Vous avez trois heures ». 14 h. Le coup d’envoi de l’épreuve de mathématiques est donné. Les mains tremblantes, je m’empare du sujet posé par l’enseignant sur le coin de mon bureau. Je le parcours du regard, à la recherche de l’exercice le plus facile pour me lancer. Après plusieurs lectures des cinq pages du sujet, je me fais à l’idée que mes révisions n’auront pas été suffisantes. J’ai 23 ans et le bac depuis six ans. Pourtant je me sens soudain pris d’un léger sentiment d’angoisse, qui me rappelle mes années lycée. Pause nostalgique. Je reprends mes esprits et plonge dans le sujet, stylo dans la main droite, calculatrice dans la gauche.
Les réflexes du (presque) bon scientifique que je fus, reviennent au fur et à mesure. Pour ne pas me ridiculiser, j’ai opté pour le sujet de terminale ES, légèrement plus simple que l’épreuve de S. Les questions faciles défilent et, soudain, plus rien. On rentre dans le vif du sujet. Une équation à rallonge me nargue avec insolence, me poussant à laisser tomber la question, visiblement trop compliquée pour mes connaissances sur le déclin. Je m’étais fait une joie d’être le cobaye tmv quand les collègues de bureau ont énoncé l’idée de repasser le bac. Peutêtre trop serein au départ, je me rends rapidement compte que je ne suis plus à la hauteur. Et que la mémoire n’est pas éternelle.
J’avais pourtant bien préparé cette épreuve blanche en relisant les programmes, en enquêtant auprès de jeunes bacheliers et en me remémorant ma propre expérience du baccalauréat. L’après-midi s’annonce bien long. Il doit être 15 h. L’heure tourne. Pour éviter de la regarder toutes les cinq minutes, je n’ai pas pris ma montre. Bien mal m’en a pris, il n’y a pas d’horloge dans la salle de classe et je n’ai pas de voisin à déranger, étant seul dans cette immense pièce vide. Qu’à cela ne tienne, je sais qu’il faut passer à la vitesse supérieure. Lois binomiales, fonctions dérivées, primitives, exponentielles… Le vocabulaire m’est familier mais chaque question me demande de fouiller ma mémoire de fond en comble pour me rappeler comment résoudre les problèmes posés.
Les deux premiers exercices terminés, je m’attèle aux deux suivants, visiblement plus complexes. Là encore, je prends le temps de lire l’ensemble des questions, histoire de bien structurer mon propos. L’épreuve de mathématiques ne demande pas seulement de savoir bien compter. La rédaction et le détail des explications font partie de la note finale. Pour l’heure, je préfère ne pas y songer et poursuis ma tâche, avec rigueur et concentration. Les réflexes de calcul reviennent, je gagne en confiance.
Tout est finalement question d’entraînement. Je me rends compte qu’un lycéen arrivant à l’épreuve sans suffisamment de pratique doit se sentir bien seul devant sa copie. Même si les mathématiques restent faciles d’accès pour les personnes dotées d’un bon esprit de logique, les formules et les théorèmes ne s’inventent pas. Au bout de deux heures d’épreuve, je boucle le troisième exercice. 16 h, d’après moi. Pas le temps de souffler, j’enchaîne en me disant que le temps restant au terme de l’épreuve sera précieux pour me permettre de bien relire ma copie. Dès la première question, je sèche. Mon smartphone posé sur la table me fait de l’œil. « Va donc retrouver cette formule sur internet », me dis-je. Un moment tenté par l’idée, je me ravise en m’efforçant de jouer le jeu jusqu’au bout. Pendant l’épreuve officielle, toute tentative de triche est punie d’une interdiction de présenter un examen national pendant cinq ans. Imaginez un peu : pas de bac, pas de permis de conduire, pas d’études supérieures pendant cinq ans.
On a rarement connu pire situation pour se lancer dans la vie d’adulte. Très souvent, dans les épreuves scientifiques, les questions sont indépendantes ; il ne faut donc pas s’attarder sur une difficulté, mais plutôt passer à la suite.
16 h 55. Question 5 de l’exercice 4 bouclée. Partie terminée. Je suis assez content de moi. Je profite des cinq minutes qu’il me reste pour relire rapidement ma copie, à la recherche de fautes d’étourderie. L’étape est cruciale, deux ou trois points peuvent vite être perdus. La porte de la classe s’ouvre. « Alors, ça a été ? » À question bateau, réponse bateau : « Bof, on verra. » Le lycéen est modeste, voire défaitiste. Je joue mon rôle à fond. L’enseignant récupère ma copie et me raccompagne à la sortie. Épilogue d’un après-midi mouvementé.
Le lendemain, 17 h. Non content d’avoir retrouvé mon statut de journaliste, je n’en suis pas moins pressé de connaître ma note. Le téléphone sonne, ma copie a été déposée à l’accueil de la rédaction. Tel un jeune premier de la classe, j’accours dans le hall pour découvrir ma sentence. Stress. Joie. 16/20, je ne suis finalement pas si rouillé que ça. L’appréciation souligne de bonnes qualités rédactionnelles, mais quelques oublis. Le bonheur m’emplit, je pense même appeler ma mère pour lui dire que je suis reçu. Deuxième séquence nostalgique. Je me rappelle ce jour de juillet 2008 où j’ai vu mon nom écrit en lettres capitales sur le tableau des résultats du baccalauréat, mes parents me félicitant, mes amis me proposant d’aller fêter ça, mes professeurs n’en revenant pas et moi, juste fier du travail accompli.
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