Orientation : L'alternance donne de la voix
Publié le 12-01-2017 08:04:51 Modifié le 12-01-2017 08:04:51
Être payé pour apprendre un métier ? C’est possible, que l’on soit ingénieur ou esthéticienne. La formation en alternance prend du galon et espère s’installer enfin dans tous les secteurs.
Je ne voulais pas être assise toute la journée », « Impossible pour moi de faire de la théorie pendant des années, » « J’avais besoin de concret ». Quand on les interroge, les mêmes phrases reviennent. Alors ils ont sauté dans le grand bain. On les trouve dans les boulangeries, les garages, les boutiques de vêtements, les salons de coiffure mais aussi les banques, les cabinets de conseil, les fabricants de logiciel. Et ils sont ravis de leurs parcours, qui surprend encore. Eux, ce sont les apprentis.
Un mode de formation très marginal en France, puisqu’il concerne seulement 6 % des jeunes de plus de 15 ans. En Allemagne, c’est 20 % et plus de 75 % en Suisse ! Comme on imagine bien que la population helvète n’est pas composée exclusivement de pâtissiers et de menuisiers, c’est bien que la formation professionnelle y est tout simplement privilégiée, et ce, quelque soit le secteur d’activité et le poste exercé.
Longtemps cantonnée aux métiers manuels et aux métiers de bouche, la formation en alternance est enfin entrée dans les grandes écoles et à l’université. Mais encore trop souvent par la petite porte. « J’ai toujours été major de mes promotions et quand j’ai opté pour un master en apprentissage, certains ne comprenait pas : c’était vu comme une filière de garage, explique Julie. En 2010, l’Escem ne le présentait pas même sur son site ! C’est l’un de mes professeurs qui m’en a parlé. Ce côté négatif reste très présent : aujourd’hui encore, les gens sont étonnés que j’ai un bac +5 en alternance. » Sitôt son master obtenu, Julie a signé un CDI à la Société générale, l’entreprise qui l’avait accueillie en alternance. Et ce serait à refaire, la jeune femme le referait sans hésiter : « J’ai même eu le luxe de pouvoir choisir entre plusieurs postes à la sortie de mon école. À 22 ou 23 ans, c’est une vraie chance. »
Pour les étudiants, l’apprentissage offre deux avantages uniques : être en condition de travail réel tout en bénéficiant de la (relative) indulgence due à un apprenti et percevoir un salaire. Un étudiant apprenti de 21 ans touche ainsi 895 euros par mois, une somme qui peut faciliter la prolongation des études supérieures. Et c’est l’employeur et l’État qui financent sa formation. Un argument qui convainc aussi les jeunes qui souhaitent acquérir leur indépendance sans sacrifier leurs études.
L’université a développé son propre CFA, le Centre de Formation des Apprentis des Universités Centre-Val de Loire, qui propose plus de 100 formations en alternance, dont une trentaine à Tours : licence professionnelle Gestion de l’environnement Métier des déchets, juriste d’entreprise, Master 2 en Management des Equipes, Santé et Qualité de Vie au Travail, journaliste, génie électrique ou licence pro Optométrie et basse vision, le catalogue est large.
Des entreprises diverses et variées
Et les entreprises d’accueil se sont, elles aussi, diversifiées. On y trouve même la mairie de Tours. Depuis 2014, elle accueille chaque année des apprentis : jardiniers, cuisiniers ou techniciens en informatique… « Il nous semblait évident de soutenir ce mode de formation ». confirme Thibault Coulon, adjoint délégué à l’emploi. L’apprentissage est une évidence pour les métiers manuels, dans lesquels la pratique, la transmission du « coup de main » est essentielle. Mais il a d’autres atouts pour convaincre les futurs ingénieurs ou techniciens spécialisés. Dans les entreprise high-tech, l’alternance est un réservoir d’innovation : « L’étudiant est complètement intégré à l’entreprise, cette visibilité sur plusieurs mois le rassure et le pousse à s’investir sur des projets, explique Julien Rousseau, directeur de Suivideflotte. net, spécialiste de la géolocalisation. En reliant l’école et l’entreprise, ces travailleurs en alternance nous enrichissent : ils offrent leurs connaissances, un regard extérieur, l’expérience de leurs professeurs et celle de leurs camarades. Les stagiaires apportent beaucoup d’idées, il faut parfois leur expliquer que les propositions doivent toujours rester en adéquation avec le monde de l’entreprise et les besoins de nos clients. »
De même, dans les métiers des ressources humaines, le terrain est le pivot d’une formation cohérente, selon Bérengère, qui suit en alternance un Master 2 Management Stratégique des RH et Performance Durable à l’IAE de Tours : « Impossible de se passer de la pratique ! Notre métier est un métier social, où il faut être avec les salariés et connaître leur quotidien ».
Une fois leur diplôme obtenu, c’est cet ancrage dans le terrain qui est le meilleur atout des apprentis. Les périodes en entreprise représentent entre la moitié et les deux-tiers de leur temps de formation. Ils ont développé des compétences professionnelles, une connaissance du milieu du travail, de ses exigences, des droits et des devoirs d’un salarié, qui facilitent leur embauche. À Tours, le CFA des Douets forme chaque année un millier d’apprentis du CAP au BTS. Et pour valoriser ses formations, l’établissement mise sur deux cartes : la rareté, comme la formation ascensoriste (deux seulement en France) et l’ancrage dans le territoire pour les métiers de bouche ou de vente.
La rentrée 2017 offre ainsi une nouveauté : le CAP Vente alimentaire. Mais l’établissement l’admet : il reste un gros travail de pédagogie à faire auprès des collèges et des parents pour expliquer que l’apprentissage est tout sauf un choix par défaut. Quel que soit le niveau du diplôme.
>> FORUM DE L’ORIENTATION : Le 20 et 21 janvier, de 9 h à 17 h, au Parc des Expositions
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