Reportage : Bienvenue chez Joséphine
Publié le 19-09-2012 10:58:22 Modifié le 19-09-2012 10:58:22
Joséphine pour la Beauté des Femmes, c'est un salon social pour celles qui n'ont pas toujours le droit de se faire belle. Reportage dans le nouveau salon installé à Tours.
Deux semaines que ce salon social a ouvert ses portes à Tours. Entrez dans le monde des bonnes fées de Joséphine pour la Beauté des Femmes.
Elles papotent, les filles. Ça rigole un peu. Au centre de tous les regards : Jeanne*. C’est la « cliente » de la matinée du salon Joséphine pour la Beauté des Femmes. D’ailleurs on ne dit pas cliente ici. C’est Jeanne tout simplement. Autour d’elle, il y a d’abord Manon, l’assistante sociale. C’est avec elle que tout commence, car il faut justifier de sa précarité pour bénéficier des soins de l’association.
Quand Lucia Iraci a décidé d’installer un nouveau salon social, en plus de celui de Paris, Tours est vite devenu une évidence. Le local, situé au pied du pont Napoléon, à deux pas de la fac, a vite été trouvé. Les partenaires ont répondu tout de suite. Les bénévoles aussi. Ici on dit « Joséphine » d’ailleurs, pour parler du salon. Un peu comme une copine.
Jean-Charles Aponte est parrain de l’association. C’est aussi un professionnel de l’événementiel. Il démarche les entreprises pour des dons de matériel, de produits de beauté et tout ce qui est nécessaire au bon déroulement de Joséphine. Les collectivités territoriales mettent également la main au porte-monnaie. Avec sa gouaille et sa démarche enjouée, il invite à rentrer dans la salle d’essayage. Des dizaines de chemises, des manteaux ou des écharpes sont soigneusement posées sur des portants. « Tous ces vêtements, nous les prêtons aux femmes pour un entretien ou une réunion de famille. Ça évite qu’elles remettent pour la dixième fois la robe de la voisine. »
Cadre de rêve
On est loin de l’image d’Épinal que peut renvoyer une association venant en aide à des femmes accidentées par leur parcours de vie. Les murs sont roses, vert olive. Au sol, le parquet est tout neuf. Le salon de coiffure, la cabine esthétique et le bureau de l’assistante sociale sont tous très lumineux. Il est 9 h 45. Jeanne avait rendez-vous à 10 h mais elle est arrivée à 9 h 15. « On sent que c’était très important pour elle » , confiera plus tard Emmanuelle. C’est la coiffeuse. Ou plutôt socio-coiffeuse. La discipline n’existe pas encore en France mais la jeune femme a toujours pensé qu’elle voulait faire ce travail, écouter les plus démunis et reprendre les catastrophes que la précarité a fait subir aux cheveux. « Ces femmes sont souvent dans le système D, explique Emmanuelle. Des fois c’est le mari ou la voisine qui les coiffe. Sinon, elles se font leur couleur elles-mêmes avec un résultat par forcément à la hauteur des attentes. » Le salon de coiffure, c’est un monde auquel elles ne peuvent plus accéder faute d’argent et peur du regard des autres. Sans parler des soins esthétiques, de l’épilation, de la manucure et du masque de beauté qui sont à des années-lumière. Le bien-être est un mot qu’elles n’utilisent pas. Joséphine est là pour ça. C’est un temple de la beauté pour celles qui normalement n’y ont pas droit.
Fard à paupières
10 h, c’est l’heure du rendez-vous. Jeanne se dirige vers l’espace coiffure accompagnée d’Emmanuelle. Il y a des magazines partout, comme dans n’importe quel salon. Jeanne préfère discuter avec la coiffeuse. Son fils, qu’elle n’a pas vu depuis un an et demi va venir lui rendre visite cet après-midi. Elle veut se faire belle pour le recevoir, lui montrer qu’elle va bien. Emmanuelle travaille avec précision, place avec dextérité les pinces à cheveux, la fait parler. Ce sera chignon aujourd’hui avec quelques mèches de cheveux qui retombent sur le front. Le visage de Jeanne s’illumine une fois la coupe terminée. Elle se trouve belle. Ce n’est pas fini. Valérie entre dans la pièce et lui lance : « Vous êtes prête pour le maquillage ? » Jeanne change de siège pendant que la socio-esthéticienne sort les pinceaux, les tubes de gloss et autres eye-liner. Elle ferme les yeux et c’est parti pour 30 minutes de maquillage. Valérie, c’est la troisième employée du salon social. Elle a été formée aux Cours d’Esthétique à Option Humanitaire et Sociale à l’Hôpital Bretonneau. C’est la seule formation reconnue par l’État en France qui dispense deux ans d’entraînement à cette discipline particulière. Valérie est une esthéticienne formée pour prendre soin d’un public comme celui de Joséphine. Son rôle, c’est de dispenser des conseils beauté à ces femmes souvent portées sur les couleurs sombres. La première fois qu’elle est entrée dans le salon, Jeanne s’était mise du fard à paupière très sombre. Impossible de remarquer ses yeux bleus magnifiques. Valérie a d’abord proposé d’éclaircir un peu. Mais devant les remarques insistantes de la maquillée sur les couleurs vives, elle a dû se restreindre. « On doit aussi faire en fonction des goûts de la personne » , expose Valérie avec sa voix calme et rassurante. Le but est simple : rendre ces femmes belles, mieux intégrer et les préparer, parfois, à un entretien d’embauche. Et pour cela, il faut avant tout qu’elle retrouve leur féminité et l’estime de soi.
*Le nom a été modifié.
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