Reportage chez les sages-femmes, un métier à couches
Publié le 12-03-2014 07:30:08 Modifié le 12-03-2014 07:30:08
Non, les sages-femmes ne s’occupent pas seulement d’accouchements. Petite consultation de toutes leurs compétences à l’hôpital Bretonneau.
Des dizaines de photos de femmes sont collés aux murs du centre Olympe de Gouges. Ce grand bâtiment porte fièrement le nom d’une des premières féministes de l’histoire française, un symbole pour ce lieu dédié à la santé des femmes. Badinter, Simone de Beauvoir… les noms célèbres résonnent presque dans ces couloirs de la maternité de l’hôpital Bretonneau.
Au deuxième étage, dans son bureau, Christine Gibault ne porte pas de blouse. C’est la cadre supérieur, celle qui fait tourner toutes les unités gérées par les sages-femmes. Enchantée de pouvoir faire découvrir ce métier peu connu du grand public, elle raconte avec passion son évolution ses dernières années : « Le nombre d’années d’études et les compétences ont augmenté en 30 ans. J’ai fait partie des dernières promotions qui sortaient au bout de trois ans d’école. Depuis le début des années 2000, et son rapprochement avec le système LMD (Licence Master Doctorat), les sages-femmes étudient pendant cinq ans. Il nous reste encore à créer un doctorat en maïeutique (le nom donné à la science de leur métier, NDLR). » On frappe à la porte de son bureau. Liliane Arcangeli se présente, elle est aussi cadre sage-femme, et guide improvisée pour la matinée. La professionnelle marche d’un pas rapide, descend vite les escaliers. Après plusieurs virages dans les couloirs, deux étages descendus, elle rentre dans une petite salle.
Lunettes en forme de cœurs
Derrière son bureau, Françoise Guillot-Borget arbore un grand sourire et des lunettes en forme de cœurs. « Vous êtes ici aux consultations externes. Les femmes viennent faire un entretien d’étape. Le premier a normalement lieu au quatrième mois de grossesse. La plupart se passent bien. Mais parfois, la détresse est palpable. Depuis plusieurs années, la part de psychologie est de plus en plus importante dans ces entretiens. Les mamans sont en symbiose avec leur enfant. Si elles ne vont pas bien, le bébé aussi. Un jour, j’ai une patiente qui m’appelle pour m’apprendre que son mari avait eu un accident de voiture, qu’il était rentré dans le coma. Son bébé ne bougeait plus. Elle était bouleversée. J’ai essayé tant bien que mal de la rassurer. Il s’est réveillé. L’enfant s’est remis à bouger. »
Avec sa voix douce, elle représente parfois la seule bouée de secours des futures mamans. Elle est très attentive. « Nous voyons des femmes qui viennent parfois d’autres pays, peu importe la barrière de la langue, j’arrive toujours à trouver un moyen de savoir comme elles se sentent. » François Guillot-Borget parle des pères aussi, qu’elle voit pendant les préparations organisées avant l’accouchement. Leur rôle d’accompagnement est de plus en plus mis en avant.
Spécialités
Même constat pour Tomas Duris : « C’est de plus en plus rare que les femmes soient seules pendant l’accouchement, les maris sont là pour les soutenir dans la majorité des cas. » Changement de décors, cette sage-femme parle de son métier en préparant un café dans le bureau attenant aux salles de naissances. C’est ici que les femmes accouchent. Avec elle, Séverine Listrat, également sage-femme, elle est arrivée dans l’hôpital tourangeau depuis quelques mois. Les deux femmes viennent tout juste d’aider à la naissance d’une « 8e part ». Traduction : un huitième enfant. « C’est assez rare », lance Séverine Listrat. Tomas Duris ajoute : « Depuis quelques temps, les familles s’arrêtent au deuxième enfant. Est-ce que c’est la crise ? Peut-être. En tout cas, des familles nombreuses, il n’y en a vraiment plus beaucoup. »
Si elles s’occupent entièrement des accouchements, les deux sages-femmes mènent également une spécialité en parallèle. Tomas Duris est responsable du prélèvement du sang placentaire, qui sert ensuite à la transfusion pour les personnes atteintes, notamment, de leucémie. Séverine Listrat, elle, pratique l’échographie depuis 10 ans. En plus de son poste à l’hôpital, la sage-femme se rend une fois par semaine dans son cabinet de Poitiers pour réaliser l’échographie de ses patientes.
Les sages-femmes ne s’occupent pas seulement des naissances, de l’accouchement. Dans leurs métiers, leurs compétences sont nombreuses, multiples. Si on peut parfois les confondre avec une profession paramédicale, elles ont bien une place à part entière dans le monde de la santé. Elles peuvent prescrire des médicaments et sont responsables légalement encas de litige. Elles ne dépendent pas directement d’un médecin, font leurs propres diagnostic. Ce sont des praticiennes de la physiologie. En revanche, dès qu’elles détectent une pathologie, un problème, elles passent le relais au médecin concerné.
Oui, des hommes
Et, parfois, les sages-femmes sont des hommes. Yves Créhange fait partie des 2 % masculins de la profession. Il s’est lancé dans le métier en 1982, sa première année d’étude de sage-femme, et celle aussi de l’ouverture aux hommes. Yves Créhange passe la moitié de son temps dans le service de médecine et biologie de la reproduction. Il s’occupe de réaliser les échographies suite à une fécondation in vitro. « Je mesure la croissance des follicules (des cellules dans les ovaires, NDLR) qui se développent sur une période de dix jours. »
Les sages-femmes s’occupent également de Procréation médicalement assistée (PMA), en relation avec des médecins et des chercheurs (qui peuvent également faire partie de la profession). « Le manque de reconnaissance de notre profession ne m’a jamais fait souffrir, explique Yves Créhange. Mais j’ai parfois l’impression d’être plus féministe que certaines de mes collègues. Pour moi, c’est une condition indispensable pour faire ce métier. J’avais été choqué, en 2001, de l’attitude machiste de Bernard Kouchner (alors ministre de la santé, NDLR) envers les sages-femmes, quand elles s’étaient mobilisées. Je crois que ce manque de considération est surtout dû au fait que ce sont majoritairement des femmes dans la profession. »
Ambiance naissances
Retour au deuxième étage, Sophie Pomès sort sans bruit d’une chambre. Elle travaille dans l’unité des suites de couches physiologiques : « Nous aidons les femmes à prendre la mesure de leur bébé, nous leur donnons des conseils pour allaiter, pour le bain. Sans trop leur donner d’ordres, notre travail, c’est de les accompagner pendant ces quatre jours après l’accouchement. » Un bébé pleure dans une autre chambre. « C’est parfois une période compliquée. Au-delà du fameux baby blues, elle peut révéler des souffrances psychologiques profondes, chez les femmes ou leur compagnon. Nous sommes aussi là pour les détecter. » Sophie Pomès travaille par tranche de 12 heures. « La nuit, nous sommes constamment en activité. Un accouchement, c’est à n’importe quelle heure. Nous sommes parfaitement autonomes. »
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