Sports de combat extrême : clichés et réalité
Publié le 10-01-2019 10:25:30 Modifié le 05-04-2019 16:39:27
Notre expérience des sports de combat extrêmes consiste en un épisode de Friends (où le petit ami de Monica se met au MMA) et aux prouesses de Gal Gadot dans Fast and Furious. Alors tmv a enquêté… et casse quelques mythes.
Quand on lit « sport de combat extrême », on pense sang qui gicle, os qui se brisent et yeux qui sortent de leurs orbites. Après avoir visité plusieurs clubs, nous sommes en mesure de vous dire que ça ne se passe pas (mais alors pas du tout) comme ça.
« Les dents qui volent c’est une légende », nous lance de but en blanc Florian Rousseau, propriétaire du MMA Fight Club Gym à Saint-Cyr-sur-Loire. Et même s’il est écrit « Fight Club » à l’entrée de la salle, « on n’est pas la pour faire la bagarre ». D’ailleurs le « vrai » MMA (anciennement Free Fight) est interdit en France. Ce que l’on pratique, c’est en réalité sa variante, le pancrace, qui part du même principe (mélanger lutte, boxe et arts martiaux divers) mais est truffé de règles et d’interdits. Bon. Et ailleurs ?
« En krav maga il n’y a pas de règles ni d’interdits », révèle Thomas Euzénat, qui dirige Team K37, où se pratiquent aussi une forme de karaté full contact et des arts martiaux philippins. Bien que l’on mime certains gestes en entraînement (les doigts dans les yeux, les coups dans la gorge ou les cervicales), le professeur préfère revoir ses élèves la semaine suivante : on voit donc très peu de blessures en salles ou même en compétition, beaucoup moins en tous cas par exemple — tous les professeurs sont unanimes — qu’au rugby.
Krav maga, MMA, kickboxing, arts martiaux philippins… Tous ces sports vus comme extrêmes le sont donc surtout… à la télé. La réalité des salles de sports est bien différente. « Parce qu’à la télé ce sont des professionnels !, développe Florian Rousseau. Ils s’entraînent toute la journée en vue des combats. Nous ici on ‘joue’ à MMA. » Et si tout le monde peut s’essayer à tous les sports, il ne faut pas s’attendre à monter directement sur le ring. Certificat médical en main, on s’inscrit (et souvent on signe une charte de bonne conduite), puis on suit les cours en fonction de son niveau.
Kader Zighem, président du BSJT à la Rabière, propose boxe éducative et kickboxing. Mais pour arriver au deuxième, il faut un minimum de prérequis… que l’on trouve dans le premier cours. Kung Fu Panda, c’est pas pour demain.
TOC, TOC, QUI EST LÀ ?
Bien sûr, en krav maga ou en arts martiaux philippins, où l’on use de couteaux ou bâtons (on a vérifié, pour l’entraînement c’est des faux), le côté extrême on le voit bien. Le fait qu’il ne puisse pas y avoir de compétition parle d’ailleurs de lui-même : « La compétition engendre forcément des règles pour protéger les pratiquants et on ne veut pas créer de mauvais automatismes par rapport à ça, comme par exemple s’empêcher de frapper les parties génitales ou encore les yeux ou la gorge alors que ce sont des techniques qu’on apprend en krav maga. Puisqu’on ne souhaite pas déconditionner notre entraînement, il n’y pas de compétition possible », décrypte Thomas Euzenat.
Mais le lien entre tous ces sports, c’est que le « vrai » côté extrême est le dépassement de soi. Pour Kader Zighem, « il s’agit surtout de sports extrêmes dans la préparation, parce que pour combattre, il faut aller au-delà de ce qu’on pense pouvoir faire. On va chercher ses ressources, et c’est pour ça qu’on travaille le mental. On ne va pas s’arrêter dès qu’on a une petite douleur. » Longtemps « réservés » aux hommes de 20 à 40 ans environ, ces sports voient leur public s’élargir.
Aux femmes, mais aussi aux enfants. Nader Zighem travaille avec 24 filles sur 28 élèves en tout dans son cours de boxe éducative. Et voit surtout des jeunes et des ados. Chez Team K37, les cours commencent à 12 ans (avec un programme adapté) et les femmes représentent environ un quart des pratiquants. Au club de MMA, les enfants sont acceptés dès 5 ans et les femmes représentent environ 35 % des adhérents. Cette démocratisation se voit également au niveau social, alors qu’au départ, ils étaient plutôt réservés aux métiers de la sécurité, aux policiers ou aux militaires.
Pourquoi ce public aussi varié qu’une salade composée choisit un sport de combat ? « Pour sortir du métro-boulot-dodo, se dépasser, en chier, se sentir vivant, selon Florian Rousseau. Les gens viennent se défouler et évacuer le stress. Sinon on fait quoi ? On gueule sur ses employés, sa famille ? » Thomas Euzenat complète : « Les gens viennent passer un bon moment, transpirer. Mais aussi pour améliorer leur confiance en eux. » La confiance en soi. Un thème récurrent. Nader Zighem raconte d’ailleurs qu’une élève de 13 ans a réussi à tenir tête à « deux garçons plus âgés et grands qu’elle lorsqu’ils ont voulu lui voler son téléphone ».
Le besoin de self-défense explique aussi en grande partie cette démocratisation. « Il y a trois types de réaction en cas d’agression : se figer, s’enfuir (si c’est possible) ou se battre. Et dans le cas où l’on aurait l’étincelle qui permet de se défendre, il n’y a rien de pire que de ne pas savoir quoi faire », analyse Thomas Euzenat.
Pas question pour autant de promettre une méthode miracle. Rien ne garantit une réaction en situation de stress. Mais l’entraînement permet de (re)prendre confiance en soi et augmente ses chances. Même si cela prend du temps. « Au bout de trois ans de pratique régulière en krav maga, on commence à avoir quelques bonnes habiletés, mais pour un bon niveau c’est six ans, analyse Thomas Euzenat. C’est l’équivalent chez nous du temps minimum pour l’obtention d’une ceinture noire. » Alors, prêts à se lancer ?
Textes : Chloé Chateau
Photos : MMA FIGHT CLUB GYM