Steve Coleman, Chill Bump & Pierre Mottron

Publié le 24-11-2014 13:31:29 Modifié le 05-04-2019 16:40:20 Par tmv

Doc Pilot voyage à Tours, de scène en expo, il observe la culture locale. Chronique

Chill Bump au Temps Machine

Steve Coleman au Théâtre Olympia
Nous restait en mémoire cette prestation folle vécue au Vinci il y a près de 20 ans. Ce concert marathon avec un seul morceau de plus de 2 heures ! la force, l’innovation et le charisme de ce jeune saxophoniste new-yorkais tombé du ciel pour bousculer les habitudes et nous souffler fort et dru dans les oreilles la vitalité du jazz, son état d’être tout sauf une langue morte… Concert sold out au Théâtre Olympia (à méditer chers amis tourneurs et organisateurs), un public de passionnés à l’écoute précise et avide du plaisir induit, de l’attente, de la joie et de l’envie. Certes l’artiste s’est assagi mais la technique est époustouflante, pour lui comme pour les trois musiciens d’exception présents à ses côtés, dont une sorte de Dr Doolittle à la trompette en parfaite osmose avec le patron. Aux drums, Sean Rickman, multi-instrumentiste et producteur de renom, une sorte de miracle de la génétique alliant l’intelligence de l’accompagnement à la beauté du diable, un style insolite mélange de toutes les frappes ethniques dans un contexte finalement classique. Peut-être le véritable leader du quartet à la scène tant il emmène le truc, permet au boss de naviguer entre les gammes et les opportunités mélodiques, appuyé sans forcer par un bassiste au service de mantras obsédantes. On plane nerveux comme à l’écoute de la techno.
Exposition Charlie Boquet à L’Annexe à Saint-Avertin
J’aime le bestiaire métallique de Charlie Boquet, sa capacité à refaire la nature en exacerbant ses lignes principales, le fouet du serpent, le flottement massif du requin, la dangerosité de l’animal pour l’homme, mais aussi le rêve de bousculer la normalité en bousculant la physique au profit de situations inédites. Maître en ferronnerie d’art, il possède les capacités techniques pour exprimer sans limite ses concepts les plus fous. La pierre, le verre, le fer et dans l’esprit le feu ; l’artiste nous interroge, nous fascine et nous propulse vers l’explosion cathartique de nos rêves les plus fous. A sa manière. Psychédélique.
Nivek & Chill Bump au Temps Machine
Grande salle pleine à craquer, concert sold out avec un public très jeune et enflammé venu pour faire la fête, danser, gueuler, bouger et boire de la bière sur du bon son livré clefs en main pour sa génération. Nivek épaulé par deux Dj’s dont le fameux Phantom toujours aussi impressionnant (la première fois où je l’ai vu sur scène c’était avec Noda… à la MJC de Joué donc à la même place), Nivek disais-je, porte un message et l’amène à la scène tel un boxeur au ring, tel un tribun révolutionnaire à la tribune d’une assemblée populaire. Acteur il l’est, perfectionniste je le suppose tant le set est huilé, efficace dans son propos et impressionant quand finalement il s’affiche seul avec la voix pour un poème urbain aux accents accusateurs. L’arrivée de Janski Beeat déguisé en chat d’Alice sur la fin du set, dilue et c’est bien, un trop plein de pessimisme accusatoire pouvant devenir pesant de par son évidence… Grande fiesta avec Chill Bump véritablement connu et reconnu par la jeune génération pour un groupe phare de son époque ; il faut dire l’implacable séduction du concept tant dans la réalisation et l’interprétation des titres, la scénographie théâtrale propre à captiver l’auditeur (même un vieux comme moi), tout simplement le charisme optimisé de deux artistes dont on ne doute pas d’avoir « beaucoup travaillé pour en arriver là ». Mon écoute et ma vision du spectacle est certes analytique et donc entâchée d’une retenue absente d’un public qui lui, ce soir-là, se donne à fond dans le plaisir et la joie sans se poser de question. Et c’est bien, et c’est ça la musique live : un groupe capable de toucher le corps et le cœur sans intellectualiser le plaisir induit. Ces deux là sont des maîtres en la fonction.
Pierre Mottron en Arcades Institute
Instant magique, instant de grâce en Arcades Institute avec le concert en solo de Pierre Mottron le surdoué de l’émotion distillée en notes et sons, en textes et en voix. L’artiste est unique, le privilège d’ainsi côtoyer son art comme à la maison, évident. Le lieu millénaire où les portables ne passent pas l’écrin parfait pour une écoute optimale. Le public en a conscience et nous sommes à la messe, à la dégustation ; nous savons déjà que dans dix ans nous en reparlerons de ce concert unique, fondateur, avant que Pierre ne parte vers des scènes importantes dans des salles remplies de spectateurs à séduire. Séduits nous le sommes, sans effort, avides d’en entendre encore et encore : ce type a du génie, la séduction de son art est à la fois diabolique et angélique.
Art Vidéo 3 à La Chapelle Sainte Anne
Les expositions nocturnes, j’adore. Arriver vers 23h à la Chapelle Sainte Anne c’est une récréation. S’installer au centre du monde dans le concept de Georges Paumier avant de rencontrer un visage dans les nuages flottant dans le ciel de Didier Laget, puis entrer dans la vie d’Héléna Fin, si juste, si humaine avant d’errer au sous-sol dans des univers disparates et déroutants. L’horaire nocturne privilégie une autre perception des œuvres, un plaisir inédit, la flânerie aussi au filtre du flottement noctambule. On accumule des images et des sensations et l’on se doute bien qu’elles serviront de matière à rêver quand l’heure sera venue de s’endormir enfin, vers le matin.
 

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