Au cœur du tournage : Tours montre sa bobine
Publié le 23-09-2015 07:00:43 Modifié le 23-09-2015 07:00:43
Tmv a suivi Pepiang Toufdy, jeune réalisateur, pour le tournage de son court-métrage, en collaboration avec Arcades Institute. On vous refait le film.
Vendredi matin. Il est un peu plus de 9 h. La gare de Tours somnole encore. Une petite mamie vient valider son ticket dans l’une des machines à composter. Elle n’a pas vu qu’une caméra la zieutait : elle vient de passer dans le champ et fait légèrement (restons gentil) louper la scène. Parce que ce jour-là, Tours est un immense plateau de tournage. C’est aujourd’hui que le court-métrage Daymane Tours est mis en boîte. Son réalisateur ? Pepiang Toufdy. Hyperactif et gros nom de la culture en Touraine. Il n’a même pas 30 ans mais a déjà à son actif un long-métrage et plusieurs courts ; il est aussi le créateur du festival Imag’In. L’homme ne s’arrête jamais.
Ce matin-là, Pepiang dirige son équipe technique d’une main de maître. Costard classe dans les tons gris, baskets et casquette. Il ne lâche pas sa tablette qui lui permet de suivre ce que filme la caméra en direct. Il court partout. Le réalisateur n’a même pas les traits tirés, alors qu’il revient d’un aller-retour express à Washington (hyperactif, qu’on vous a dit). « Action ! », crie-t-il dans l’écho de la gare. Un TGV déverse son petit lot de voyageurs. Tous et toutes sont figurant(e)s. Tous et toutes de Tours. Essentiel, car ce court-métrage se veut quasiment à 100 % tourangeau. De l’équipe technique aux figurants, en passant par le cinéaste et les lieux de tournage. La voie B de la gare voit la même scène se jouer plusieurs fois. Les figurants remontent dans le train. Effectuent les mêmes gestes, encore et encore. Pepiang Toufdy est visiblement du genre perfectionniste : « On la refait ! », lance-t-il, toujours tout sourire. Quatrième prise. Il veut le cadrage parfait. « Encore une… Pour le plaisir ! » Les figurants ne se font pas prier et ne se plaignent pas. Même quand ils rejouent le même trajet pour la dixième fois, dans le hall. « Oh, bah on est là pour ça. Bon ceci dit, c’est la première fois que j’ai un sac à dos et une valise vides ! », plaisante l’un d’entre eux. Une autre essaie de se dégourdir. Elle fait le pied de grue devant la photocopieuse et le Photomaton… depuis une demi-heure. Mal aux jambes ? « La prochaine fois, je prendrai des baskets, oui ! »
Au loin, Manda Touré se marre entre chaque prise. Mais dès que la caméra tourne, elle se transforme. Sérieuse, concentrée, pro. Manda, c’est un peu l’actrice principale de ce court-métrage. Daymane Tours raconte effectivement l’histoire d’une jeune migrante qui arrive à Tours, après avoir traversé plusieurs pays. Elle rencontrera par hasard une Tourangelle et se liera d’amitié avec elle. Ainsi qu’avec sa famille et son grand-père, un homme qui a vécu dans une Afrique qu’il adore. En résumé ? Un film humaniste et d’actualité.
MAMIE REBELLE ET KLAXON DE BUS
Emballé, c’est pesé. L’équipe a fini ses prises dans la gare. Au même moment, débarque un trio sur qui se tournent tous les regards. Philippe du Janerand, Jacques Boudet et Céline Vitcoq sont les têtes d’affiche du court-métrage. Le premier a tourné dans plus de 100 films (Nikita, Taxi, Monsieur Batignole, Les Choristes…). Le second est une vraie gueule de théâtre, un grand bonhomme qui a tourné avec Blier et Lelouch. La troisième est connue pour son rôle de Wendy dans la série Plus Belle la vie. Une actrice qui, d’ailleurs, ne passe pas inaperçue, ce vendredi. « Oh my god, mais c’est Wendy de Plus belle la vie ! Faut que j’prenne un selfie avec ! », s’excite une ado, sur le parvis de la gare. Ses copines se moquent gentiment : elle n’ose pas aller demander une photo à la jolie blonde qui vient de finir sa scène.
L’ambiance est bon enfant. Pendant que Pepiang, Manda, Céline et la petite équipe technique s’appliquent à bosser leur champ/contrechamp, les bénévoles, eux, sont en pleine galère. La raison ? Elle tient en deux mots : gare, midi. Il y a désormais bien plus de monde que ce matin. Et personne ne doit passer derrière les actrices. La plupart des passants acceptent sans rechigner. Une petite mamie n’est pas de cet avis : quand l’équipe lui demande gentiment de faire un détour d’environ – allez, soyons large – deux mètres trente pour contourner la caméra, celle-ci balance un « Oh je m’en fiche, c’est pas grave. Je vais prendre mon bus ! » Bon… Si on refaisait la prise ?
Quelques mètres plus loin, des badauds s’agglutinent et observent la scène. « Ne regardez pas vers nous ! Faites comme si on n’était pas là ! », lance l’assistant-réal’. Forcément, pour ce court-métrage sur une migrante, il vaut mieux éviter l’effet reportage de JT avec des gugusses qui font coucou à la caméra. Au même moment, un homme visiblement éméché, parfumé au whisky, débarque derrière la caméra en baragouinant « On vise plus haaaut, la kalaaach’ » (nota bene : … euh, pardon ?). En fond sonore, un bus klaxonne un cycliste qu’il a failli percuter. Deux minutes plus tard, c’est une voiture immatriculée dans la Vienne qui se trompe de chemin et se met à rouler sur le parvis de la gare jusqu’à l’entrée. L’équipe aurait dû prévoir un bêtisier…
UNE CENTAINE DE FIGURANTS
Cela fait déjà quatre heures de tournage. Pepiang Toufdy navigue entre son équipe, les figurants (qui demandent une photo souvenir), une équipe télé de France 3… « Mais je suis tellement content et ravi. Je travaille avec des comédiens que j’ai toujours appréciés. Ce projet, c’est une lourde responsabilité », soulignet- il. Lourde responsabilité qu’Arcades Institute a confiée sans hésiter à Pepiang. Car ce sont eux qui sont à la base de tout ça. L’espace culturel tourangeau a en effet créé les « Essentiels » : l’idée est de permettre à un jeune scénariste-réalisateur de se lancer dans une oeuvre de fiction de court-métrage dans un lieu patrimonial de la ville.
« On voulait un projet ambitieux, plus visible et qui touche un large public. Le court-métrage était tout trouvé, puisque Tours est une ville de cinéma. L’idée est de faire un festival de création, pas de diffusion », précise Jean-Pascal Jauzenque, l’un des propriétaires d’Arcades. L’acteur Philippe du Janerand est alors mis dans la boucle. Il jouera non seulement dans le court de Pepiang, mais sera aussi son parrain. « Philippe a une liste de contacts longue comme le bras. Il nous a beaucoup aidés », enchaîne Jean-Pascal Jauzenque. Une subvention de 10 000 € dans la poche, des autorisations de tournage dans les lieux patrimoniaux de Tours et hop : il ne reste plus qu’à Elsa, de l’équipe les Essentiels, à recruter les figurants. L’appel lancé sur les réseaux sociaux cartonne. « Les Tourangeaux se sont mobilisés. On a trouvé une grosse centaine de figurants en huit jours », précise Elsa.
Retour plateau. Les estomacs gargouillent. Il est midi passé. Pas de temps mort, il faut aller au foyer des jeunes travailleurs pour y tourner une scène. Pepiang et son équipe embarquent le matos et filent rue Palissy. Il faudra attendre un peu pour découvrir Daymane Tours, court-métrage tourangeau jusqu’au bout de la bobine. D’ici à septembre 2016, Arcades et leur projet « Les Essentiels » auront soutenu trois autres cinéastes du coin. Avec toujours un mot d’ordre : un film tourangeau, capable de faire ensuite sa route dans les festivals français.
Reportage et photos par Aurélien Germain
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