Baptiste Trotignon et Yvonne Princesse de Bourgogne mouillent la chemise

Publié le 06-10-2014 15:00:36 Modifié le 05-04-2019 16:40:41 Par tmv

Chaque semaine, Doc Pilot voyage dans les différents lieux culturels de Tours et nous rapporte le meilleur.


On a parfois des envies d’excellence, alors on écoute Hear me de Dark Dark Dark et tout va mieux… on a parfois des envies de shoot artistique, de tout voir, de tout goûter, d’oser l’indigestion et l’ivresse de la découverte, d’ainsi gagner des heures en parallèle de la vraie vie, de l’espoir aussi… Soirée haut de gamme au Petit Faucheux, cet écrin fabuleux où l’on a découvert tant d’artistes… Bien sûr nous sommes ce soir dans de l’incontournable avec le pianiste Baptiste Trotignon mais nous allons connaître l’imprévisible satisfaction au spectacle de cette « expérience », la réunion de virtuoses un peu fous et très libres, des amoureux de la vie et du partage. Aux percussions Minino Garay n’a de cesse de pousser son ami et complice à transcender son art, à le faire sculpture et peinture évolutive, à nourrir de prises de risque un jeu pianistique hors du commun, mélodique avec violence, indiscipliné, évolutif et tonique, propre à s’effondrer dans l’audace pour nous exploser à la face… dans un rire. Les deux complices mouillent la chemise même s’ils ne sont pas au charbon ; ils sont à leur place, nés pour donner du plaisir au public, leur fonction, leur mission, leur joie… En première partie le Stephan Orins trio aura donné un concert honorable avec mention spéciale au batteur remplaçant ; la belle écriture de leur musique originale reste le point fort de l’affaire… Alcaline à la TV en l’honneur d’un groupe assez médiocre : Christine and the Queens
Moondog, génie et clochard
Soirée Moondog au Temps Machine, hommage à ce compositeur de musique contemporaine décédé en 1999 ; Amaury Cornut anime une conférence didactique et enjouée, une approche de Moondog à creuser par la lecture de son livre édité par le génial « Le mot et le reste ». J’apprends beaucoup, ainsi cette proximité de potes avec Phil Glass, l’imprégnation évidente de leur palettes sensitives ; le sacrifice total d’un homme à son art, l’incroyable transcendance du handicap (il est non-voyant), le refus de la normalité au service de la préservation de l’œuvre, l’assurance aussi contre vents et marées d’être sur la bonne voie, l’unique voie : un engagement quasi christique pour rester dans les mémoires au delà de son siècle par une musique intemporelle désormais entrée au répertoire de plusieurs formations, ainsi le quintet Minisym, orchestre de chambre au service de l’interprétation de l’œuvre de MoondogMinisym à la manière d’Univers zero à la fin des seventies, est de ces formules magiques alliant à l’obligatoire virtuosité nécessaire au jeu dit « classique », un prolongement de l’âme au toucher, une indéniable élévation artistique propre à donner de la substance à la partition. La présence de Moondog devient palpable, son écriture une invitation au lâché-prise : le bel ouvrage, le bel hommage…
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Yvonne, Princesse de Bourgogne
Au Théâtre Olympia, Yvonne, Princesse de Bourgogne de Witold Gombrowicz dans une mise en scène de Jacques Vincey… superbe, intense, jouissif et captivant, une anti-héroïne dans un procès du « droit de cuissage étendu » , du choix du roi, des manœuvres léonines appliquées aux sentiments et surtout à la raison et au choix du sang, l’argent et le pouvoir permettant de s’amuser puis de casser ses jouets sans cas de conscience subie. Dit ainsi, cela peut paraître dramatique mais a contrario cette pièce est drôle, cynique, caustique, merveilleusement jouée sans temps faible. Dans un décor subtilement aéré, sans pour autant être minimal, des personnages aux caractères exacerbés vous embarquent dans leur folie et leur nuisance domestique à l’humanité. Mention spéciale pour Marie Rémond dans le rôle d’ Yvonne et son incarnation pesante d’étrangeté, pour Hélène Alexandridis dans celui d’une Reine Marguerite névrosée et franchement speed, et pour Alain Fromager dans celui du Roi lourd et léger à la fois, parfaite caricature de l’aristocratie décadente. Yvonne aussi mouille la chemise car elle finit noyée dans un aquarium une arête de poisson en travers de la gorge… D’autres choses en travers de la gorge dans le billet de (mauvaise) humeur de Pascal Noebes, à lire dans le fanzine « Demain le grand soir » : l’adepte de la plaisanterie sérieuse, son concept roi, balance des vérités, du bon sens populaire et des propos de comptoirs…
Atelier Mode d’Emploi en survol
Atelier Mode d’Emploi on le picore et on s’y perd, sûr de ne pas pouvoir tout déguster. Passage à Saint-Pierre du côté de chez Zoé, à l’atelier de Sanjin Cosabic : un nouveau travail de l’artiste issu d’un mauvais coup du destin, de grandes toiles mal stockées envahies de champignons, l’obligation de les flamber, les cendres matière première pour bâtir le concept « Pheabus » en une série de formats moyens… Diego Movilla au même endroit présente lui aussi un nouveau style, une démarche quasi destroy, des représentations au fusain de personnages célèbres lacérés ensuite au grattage pour en extraire la réalité occulte, pour les papes la fausse sainteté… Étrange aussi le travail de Nikita sur les doubles photographiques, la théorie des genres, l’hermaphroditique perception de l’individu, de l’être… il jouxte une suite scénarisée de photos d’Ariane Scao-Fevre, les peintures de Sylvie Attucci, un style personnel pour des paysages à la dimension spirituelle… A Lebled, Nicolas Aulagnier invite le métier de brocanteur/artiste, Emyr trace pour sa génération des témoignages, des souvenirs, une manière d’écrire l’époque avec technique, passion et raison… En Arcades Institute je croise des prétendants à la fonction de Ninja : c’est drôle et surréaliste.

Tags : chronique Doc Pilot princesse de bourgogne Tours yvonne

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