Désobéir, ça s'apprend
Publié le 23-11-2016 17:26:30 Modifié le 23-11-2016 17:26:30
#EPJTMV. Le collectif national les Désobéissants propose des formations à l’action non violente pour tous les citoyens. Nous avons suivi une de ces sessions à Tours, organisée par le collectif anti-pub. Elle apporte à chaque citoyen lambda des moyens de lutte pacifiste.
« Tu es en état d’arrestation ! », crie Rémi, le formateur, en pointant du doigt un des apprentis désobéissants. Mise en situation d’une audition dans un commissariat. « Si je n’ai qu’un conseil à vous donner, toujours répondre que vous n’avez rien à déclarer, à toutes les questions. » À la fin de la formation, certains n’ont pas hésité à nous donner cette réponse lorsque nous leur avons demandé s’ils étaient prêts à franchir la légalité pour une action. Rémi tente tout de même de rassurer l’auditoire en précisant qu’il est rare de se retrouver en garde-à-vue pour une action non violente. Les témoignages d’expériences personnelles fusent et les participants échangent des conseils.
Mardi 22 novembre en soirée, rue du Grand-Marché, à l’étage du bar Le Serpent Volant, une trentaine de personnes s’est donnée rendez-vous pour ce stage très particulier. L’objectif ? Apprendre à désobéir. Âgés de 20 à 75 ans, les participants viennent d’horizons différents. Certains sont des militants très engagés pour la lutte contre la maltraitance animale (L214), le climat, la cause palestinienne ou encore opposés à la construction de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes (NDDL). Ils sont venus chercher de nouveaux outils, des conseils pour leurs prochaines actions. Tandis que d’autres sont simplement curieux et viennent découvrir en quoi consiste la désobéissance civile. Ils ont beaucoup de questions en tête : Quels sont leurs droits ? Comment mettre en place une action non violente ? Comment réagir en cas de conflit ?
Pour le bien commun
La désobéissance civile est une forme de résistance passive qui consiste à refuser d’obéir aux lois ou aux jugements d’ordre civil. Son objectif est d’attirer l’attention de l’opinion publique pour obtenir l’abrogation ou l’amendement d’une loi, jugée injuste par exemple. « Notre ambition est de désobéir pour le bien commun. Nous ne sommes pas des super héros », indique le formateur. Conscients des limites que posent les modes traditionnels de mobilisation comme les pétitions ou encore des manifestations, les Désobéissants ont décidé de créer un réseau informel de militants de l’action directe non-violente.
La bonne ambiance est au rendez-vous. Les plus discrets écoutent attentivement les témoignages des désobéissants de la première heure. À les entendre, ils semblent incollables sur toutes les questions et prêts à tout pour sensibiliser l’opinion publique.
Pendant quatre heures, les ateliers s’enchaînent. Pour poser les limites de l’action non violente, Rémi débute la formation par un atelier philosophique. Première question : « Jusqu’où seriez-vous prêt à aller pour une action ? » Il scotche sur quatre chaises de la salle des feuilles où sont inscrits violent/non violent ; ferais/ferais pas. Le principe ? À partir d’un exemple concret, chacun doit se positionner dans l’espace en fonction de son adhésion ou non à l’action proposée.
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Premier cas. Vous allez arracher des plants d’OGM cagoulé et de nuit dans un champ qui appartient à quelqu’un de votre village. La répartition entre les deux est équitable. Ceux qui jugent l’action violente et qui ne la tenteraient pas expliquent : « Je ne peux pas saboter le fruit du travail d’une personne. » D’autres ne voient pas l’utilité de mener une action si elle n’est pas revendiquée. « Se cacher pour faire l’action me gêne. » Certains n’ont pas froid aux yeux : « Je le ferai sans hésitation pour faire réagir ».
La même action est ensuite menée mais à visage découvert et avec une présence médiatique. Cette fois, la plupart des participants seraient plus motivés. « Si on veut avoir une influence, on a besoin des médias. » Mais les avis divergent. Beaucoup sont méfiants envers les médias et les pointent du doigt. Ils trouvent qu’ils déforment la motivation de l’action menée. D’autres ont l’impression de passer pour des « vandales » à la télévision et ont peur des poursuites. « On veut tous se battre pour le bien commun, mais nous ne sommes pas tous prêts à mener la même action. Chacun perçoit les choses à sa manière », conclut Rémi.
Pour rentrer dans le vif du sujet, un jeu de rôle est mis en place. « Vous êtes des activistes pour le climat et vous organisez une action pour dénoncer l’évasion fiscale en occupant une banque », explique Rémi. Il est 20 heures. Dans dix minutes, la police va arriver pour les déloger. L’objectif est de ralentir l’intervention de la police. Les désobéissants en herbe commencent à clamer en chœur un slogan improvisé « Un paradis pour le climat », tout en se cramponnant les uns aux autres. Pendant ce temps, d’autres jouent le rôle de la police et commencent à tirer les activistes hors de la salle. La désobéissance civile, c’est aussi des techniques de résistance comme celle de la « tortue ». Elle consiste à créer un enchevêtrement élaboré de bras et jambes afin de rendre la tâche difficile aux policiers qui voudraient les déloger.
Pour organiser une action, la règle d’or est de rester vague sur le lieu, la date. Faire preuve de prudence. On se croirait dans un film lorsque certains évoquent des logiciels de messages cryptés. Tout au long de la formation, Rémi répète à plusieurs reprises : « N’oubliez pas d’inscrire votre mail à la fin pour que l’on vous tienne au courant de nos prochaines actions. » Ces formations sont un véritable canal de recrutement pour les futures actions à mener. Certains activistes profitent de la soirée pour sensibiliser les désobéissants d’un soir à leur cause. Un retraité n’hésite pas à venir nous voir à plusieurs reprises pour nous inciter à adhérer à son action en nous offrant à plusieurs reprises un tract explicatif. Désobéir ça s’apprend.
Les sessions du collectif des Désobéissants permettent de poser un cadre et de donner des conseils pour éviter de basculer dans la violence. Mais, au fur et à mesure de la soirée, certains participants qui se tenaient à l’écart depuis le début finissent par s’en aller. Tandis que d’autres repartent encore plus convaincus. Ils n’attendent désormais qu’une chose : être prévenus de la prochaine action.
Un nouveau McDo va ouvrir prochainement place du Monstre, à Tours. Leur but ? Empêcher son ouverture. Quand ? Comment ? Les détails ne sont pas divulgués même si nous voyions clairement que Rémi trépigne d’impatience.
Lucie Martin, EPJT.
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