Foxcatcher : c'est la lutte finale
Publié le 20-01-2015 17:00:55 Modifié le 05-04-2019 16:32:07
Entre biopic et drame mental, Foxcatcher raconte un fait divers mêlé de success-story américaine. Asphyxiant et subjuguant.
« Le coach est un père. Le coach est un mentor. » Cette phrase, on l’entend en plein milieu de Foxcatcher. Une phrase qui a un drôle d’écho dans cet étrange et terrible longmétrage. Car non, Foxcatcher n’est pas un film sur le sport, la lutte ou la conception d’une équipe. Il s’agit ici d’un cinéma portraitiste, troublant, mais fascinant. Montrant habilement une descente aux enfers, écrasant et broyant doucement mais sûrement ses protagonistes.
Inspiré de faits réels, Foxcatcher dépeint la relation entre John Du Pont, milliardaire excentrique et passionné d’armes à feu, et deux frères lutteurs, Mark et Dave Schultz. Une histoire qui sombre rapidement dans le tragique, le malsain, la parano.
Dans ce biopic (5 nominations aux Oscars), Bennett Miller filme comme dans ses précédentes réalisations, Truman Capote et Le Stratège : une authentique peinture, où tout est superbement agencé, nourri de longs plans et de ruptures brutales. Le cinéaste creuse les thèmes de l’obsession, de la manipulation et du jeu de masques, dans un triangle malsain entre deux castrateurs et un castré : à leurs façons, John Du Pont et Dave vampirisent un Mark tiraillé de toutes parts.
Dans cette atmosphère toxique, le casting brille. Tous gravitent autour d’un Steve Carrell méconnaissable : l’habitué aux comédies US un peu bêbêtes (40 ans toujours puceau, pour n’en citer qu’un…) est ici utilisé à contre-emploi. Vieilli, caché derrière des prothèses et un maquillage hallucinant, son personnage de milliardaire mégalo est tellement mystérieux et massif qu’il en est terriblement effrayant. Channing Tatum, tout autant transformé, est une brute fragile au regard d’enfant. Gros nez cassé, mâchoire en avant, solitaire autodestructeur, il insuffle aux scènes de combats de lutte une magie particulières. Idem pour Mark Ruffalo, sidérant en mâle (trop ?) protecteur, qui répète les même gestes, encore et encore (cette main posée sur la nuque).
De notre place, on assiste, impuissants, à ces personnalités qui se fracassent. La mise en scène distanciée nous y aide. On observe cette séquence cocaïnée, cette autre à la tension sexuelle palpable (mais jamais explicite), cette gêne qu’installe constamment cet étrange John Du Pont. Lui agit comme un père de substitution, envahissant et pervers. Les silences pesants, nombreux dans Foxcatcher, contribuent à cette atmosphère dérangeante, asphyxiante .
En oubliant quelques lourdeurs et clins d’oeil trop appuyés, Foxcatcher se pose là où on l’attendait : perturbant, étonnant, brillant et tragique.
Aurélien Germain
Biopic, drame (USA), 2 h 14. De Bennett Miller, avec Steve Carrell, Channing Tatum, Mark Ruffalo, Sienna Miller…
NOTE : ***
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TOUJOURS EN SALLE
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COPS, FLICS DE DÉSORDRE X
Deux potes, losers sur les bords, se déguisent en policier pour une soirée. Ils prennent rapidement goût à leur fausse identité (et le pouvoir qui va avec), mais se retrouvent mêlés à un réseau de truands et une tonne d’embrouilles. Cops, véritable purge au goût de comédie US des années 80, enquille les gags éculés et clichés. Grotesque et pathétique, ce buddy- movie de Luke Greenfield souffre paradoxalement du (pourtant bon) duo d’acteurs Johnson-Wayans. Affligeant. A.G.
WHIPLASH *
Primé à Sundance, ce film sur un jeune batteur de jazz à New- York, poussé a l’extrême par son professeur, laisse dubitatif. D’abord par son environnement musical : depuis quand le jazz de Buddie Rich ou Charlie Parket et les concerts au Lincoln Center font rêver la jeunesse ? Entre portrait brutal et à côté de la plaque d’un musicien en devenir et méthodes pédagogiques d’un autre temps, Whiplash n’offre aucun propos tangible et oublie de parler du plus important : la musique. B.R.
LOIN DES HOMMES ***
Prémisses de la guerre d’Algérie : un instituteur d’origine espagnol doit emmener devant la justice française un jeune Algérien. Loin des hommes, adapté de l’Hôte de Camus, n’a de valeur que pour le duo qu’il met en avant. D’un côté, Viggo Mortensen tout en tension bourrue qui se débat dans un pays natal qui ne veut plus de lui. En face, Reda Kateb, paysan introverti qui cherche la rédemption pour sa famille. Deux hommes perdus dans les montagnes algériennes, en quête de paix intérieure. B.R.
NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime
Catégories : Ecrans