La Ville de Tours est-elle accessible aux personnes à mobilité réduite ?
Publié le 09-10-2024 07:39:05 Modifié le 09-10-2024 13:12:38
Personnes malvoyantes, porteuses d'un handicap, à mobilité réduite... On a demandé aux premiers concernés si Tours leur était réellement accessible ou non.
Cette bande rugueuse devant le passage piéton, c’est rigolo sous les pieds. Pour Pierre Tricot, rien de drôle : ces bandes de vigilance lui permettent de savoir qu’il approche d’une marche ou de la chaussée, grâce à sa canne. Sans que les valides ne s’en aperçoivent, la Ville de Tours est truffée d’éléments qui facilitent les déplacements des personnes en situation de handicap.
Prenez le quai du tramway par exemple : les belles bandes noires et blanches imaginées par l’artiste Daniel Buren n’ont pas qu’un aspect décoratif. Les malvoyants peuvent distinguer ces forts contrastes, et ainsi savoir où la porte du tram s’ouvrira. Eloi Groisil, habitant de Tours Nord lui aussi aveugle, ajoute que « depuis la pandémie, les portes du tram s’ouvrent toutes automatiquement à quai. C’est plus simple, car avant il fallait que je touche la porte un peu au hasard pour trouver le bouton ! » Les deux hommes sont également munis de télécommandes pour déclencher les avertisseurs sonores des feux de circulation.
Tous deux membres de l’association Valentin Haüy, Eloi et Pierre sont impliqués dans les commissions sur l’accessibilité, aussi bien pour la future ligne de tramway que pour les travaux menés par la Métropole. Et lorsqu’on dresse la liste des impératifs pour qu’un bâtiment public soit accessible aux personnes non-voyantes ou malvoyantes, on réalise qu’il y a du boulot !
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Bandes de guidage au sol, bandes de vigilance en haut et en bas des marches, coloris contrastés pour ces marches, main courante, panneaux signalétiques en grands caractères et à bonne hauteur, bandes de couleurs sur les baies vitrées pour éviter qu’on les percute, ascenseur qui annonce les étages… Et pour les personnes se déplaçant en fauteuil roulant, il faudrait ajouter des portes larges et avec un espace d’ouverture suffisant pour les manœuvrer en fauteuil, des poignées à bonne hauteur, des ascenseurs, rampes d’accès ou plateformes pour monter étages ou marches, et des WC adaptés.
Dans la rue, la largeur des trottoirs et leur abaissement sont nécessaires pour ne pas transformer une sortie en ville en parcours d’obstacles. « Dans une boulangerie du centre-ville, il n’y a pas de plan incliné malgré la grande entrée : il faut sonner pour qu’on apporte un plan incliné amovible. Vous attendez, pendant ce temps d’autres clients passent devant vous… Au final je n’y vais plus », raconte Larbi Boukhdimi, de l’APF France Handicap 37.
Raphaël Paparas-Chlous aime se déplacer « à pied » comme il le dit, autrement dit en fauteuil électrique. « La ville s’est bien développée, même s’il y a encore du travail. Il suffit d’un trottoir avec un gros dénivelé ou d’un obstacle (poubelle ou voiture) pour compliquer les choses, m’obliger à manoeuvrer, en risquant parfois de me casser la figure. » Et avec un fauteuil de 150 kg, la chute peut être dure !
Pour les personnes en fauteuil, l’anticipation est donc obligatoire. Et même comme cela, Emeline s’était cassé le nez l’an dernier pour un événement à l’Hôtel de ville de Tours et ses multiples marches. C’est aussi le stress lors des sorties en ville, pour savoir si elle pourra aller aux toilettes. Même en anticipant ses déplacements, Magalie Pinguet a aussi des surprises : « Pour notre dernière sortie au cinéma, j’étais à la place PMR mais la place à côté de moi était occupée. Mon conjoint a donc pris un fauteuil dans le hall pour se mettre avec moi. »
Larbi Boukhdimi est quant à lui passé par les sous-sols d’une salle de spectacle puis un monte-charge pour atterrir dans un courant d’air durant le show : l’accessibilité n’est pas toujours de qualité. Quant au regard gêné des restaurateurs lorsqu’une personne en fauteuil débarque, Magalie, formatrice pour adultes autour des thématiques du handicap, dresse un constat : « Les Français n’ont pas été éduqués au handicap. Aux États-Unis, on me disait bonjour, en France on s’adresse plutôt à la personne qui m’accompagne. Il y a du travail à faire pour la sensibilisation ! » Au-delà des progrès que tous nos interlocuteurs ont constaté pour l’accessibilité de la ville et ses bâtiments, les citoyens font donc aussi partie de l’équation !
Emilie Mendonça