Reportage : dans les profondeurs du deep web

Publié le 05-02-2014 07:30:57 Modifié le 05-02-2014 07:30:57 Par tmv

Le deep web, vous connaissez ? En plus de vous expliquer ce que c’est, on l’a exploré.

Pourquoi il ne veut pas rebooter sur le cd ? » « Tu as essayé echap ? » « Ouais, mais je crois que Windows 8 a changé le système de rebootage. » Au bout de quelques minutes de discussions et de recherches, LesPortes et Elquarinque trouvent le moyen de lancer le programme sur l’ordinateur. Une nouvelle interface apparaît sur l’écran, elle ressemble à s’y méprendre à une vieille version de windows XP. « Ça y est, on va enfin pouvoir aller sur le deep web… »

Visite dans les bas-fonds
LesPortes et Elquarinque, ce sont deux informaticiens tourangeaux qui ont accepté de visiter avec nous cette partie du web invisible des moteurs de recherche classiques (voir l’infographie). On trouve de tout sur le deep web, et en grande quantité. Certains spécialistes expliquent que cette face obscure du web contiendrait 500 fois plus de contenus que, par opposition, le clear web, celui de Madame et Monsieur Tout le monde.
Le deep web comprend aussi les vieux sites internet tombés dans l’oubli. « Certaines entreprises l’utilisent également, à leur manière, pour échanger des informations, des données, sans que ce soit public », ajoute Elquarinque. Pour atteindre le deep web, il faut accéder au réseau Tor (qui veut dire The Onion Router). Pour faire simple, quand un ordinateur se connecte à Tor, il rentre dans un labyrinthe fait de plusieurs milliers de routeurs situés en Chine, au Bangladesh, en Égypte ou au Japon. Une fois sur Tor, impossible de savoir où la personne se trouve physiquement et ce qu’elle fait. Intraçable.

Si internet était à un iceberg, ça ressemblerait à ça. (cliquez pour agrandir notre infographie )

Cryptage
« Quand on est sur le deep web, il faut oublier le web classique. Il n’existe pas de moteur de recherche efficace sur le web caché, explique Elquarinque. Les sites internet ne ressemblent pas à ceux que nous trouvons avec Google mais finissent tous par .onion et commencent par des séries de lettres et de chiffres. » Justement, LesPortes clique sur un lien qui ressemble, en gros, à fz1535fz51efe21.onion : « J’essaye de trouver The Hidden wiki, c’est un site qui propose une sélection de sites internet du deep web. » Au bout de plusieurs tentatives, de fausses adresses, il tombe sur la bonne page, qui rappelle le web des années 1990. « Comme tout est crypté sur le deep web, le temps de chargement est plus long, analyse Elquarinque. Les sites sont donc réalisés de manière la plus simple possible. »

Porte d’entrée
The Hidden wiki est une porte d’entrée. Un premier clic et c’est parti. Un site internet apparaît, son titre : Unfriendly solution (une solution pas très amicale, NDLR). Juste en dessous, un long texte explique que vous pouvez faire appel à un tueur à gages, les prix vont de 7 000 à 15 000 $. Pour le contacter, il faut une adresse email estampillée deep web et crypter les messages.
En quelques secondes, on bascule dans un monde où la morale n’a plus lieu d’être. LesPortes modère quand même : « Rien ne prouve qu’il y a un vrai tueur à gages derrière ce site. » Pour Damien Bancal, journaliste et fondateur du site zataz. com (voir son interview ICI), il existe un « web opaque » à l’intérieur même du deep web, pour désigner les pratiques illégales qui pullulent. Certains parlent de dark web. « Mais tout ça, ce n’est que du vocabulaire marketing, pour faire peur. » Au bout de quelques minutes Elquarinque tombe sur un site qui propose de vous créer un faux passeport. Comptez 700 $ pour des papiers français et le permis. Là encore, il faut envoyer un mail crypté pour entamer la transaction.

Le but de cet article n’est pas de vous encourager à vous rendre sur le deep web. C’est un réseau qui peut être risqué. Cela vous expose à de nombreux dangers (images très violentes et virus à gogo).

Bitcoins
Si les sommes sont exprimées en dollars, en revanche, sur le deep web, il faut payer avec des Bitcoins. Cette monnaie virtuelle est intraçable quand on en possède sur un compte dans l’internet profond. Le moyen de paiement idéal quand il s’agit de s’adonner à des pratiques illégales, comme vendre de la drogue. Les deux informaticiens ont retrouvé la trace de The Silk Road (la route de la soie, NDLR). Où plutôt un site qui y ressemble fort.
The Silk Road a été fermé par le FBI en octobre dernier. Sorte d’Ebay de la drogue, ce site a fait beaucoup de petits, qui ont copié son interface. LSD, haschich, cocaïne, amphet…. des centaines de vendeurs anonymes proposent d’acheter leur « marchandise ». Un email, un point de rendez vous ou même directement par la Poste : en quelques clics vous pouvez vous procurer une quantité de drogue assez impressionnante, au meilleur prix. Porno, vente d’armes, d’iPhones, de numéros de cartes de crédit valides : les deux informaticiens plongent peu à peu dans cet internet caché, où l’anonymat est roi et l’illégalité est à quelques clics de souris. « Il y a quand même beaucoup de liens qui ne fonctionnent plus, constate LesPorte. Les sites changent continuellement d’adresse. »

L’anonymat
Pour tomber sur du contenu vraiment choquant et des images très violentes, il faut vraiment le vouloir et s’engager dans les méandres les plus obscures. Si les vices et les crimes règnent sur le deep web, le FBI ou d’autres organisations en surveillent également les tréfonds. Régulièrement, des réseaux pédophiles sont démantelés et des sites fermés. Mais c’est aussi un repère d’activistes. Quand un État bride internet, les opposants se réfugie dans le deep web pour s’envoyer des messages, organiser des manifestation ou échanger des idées contre un régime dictatorial.
Pendant les printemps arabes, de nombreux révolutionnaires ont utilisé le deep web pour communiquer, échanger. L’anonymat du deep web attire tous les fervents défenseurs d’un internet libre qui militent pour moins de surveillance. Beaucoup d’utilisateurs restent dans la partie légale du deep web, pour montrer qu’il n’existe pas qu’un seul internet.

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