Yseult en La Tour, Loizeau, Marc Ducret, Perox & Pethrol

Publié le 13-04-2015 10:33:32 Modifié le 13-04-2015 10:33:32 Par tmv

Chaque semaine, Doc Pilot nous raconte ses sorties culture en la ville de Tours.

Pethrol

Longuement et sûrement le nouvel et quatrième album de Odran Trummel « in a jar » devient mon disque de  chevet ; j’attends encore pour en faire la chronique car j’en découvre de nouvelles subtilités et sensations induites à chaque écoute…

Marc Ducret au Petit Faucheux
Concept assez surréaliste avec ces Chroniques de la mer gelée de Marc Ducret, une œuvre hypnotique où des textes de Kafka et du Marteau des sorcières sont intégrés à une trame musicale progressive, une musique de chambre contemporaine mélangeant les infiltrations nerveuses de la guitare à des mantras de cordes et claviers, de vents, au  chant de Anne Magouêt, fascinant, puis aux mots au féminin ou au masculin, des mots comme des sons, des mots dont  on intègre le sujet au delà de la réflexion, au delà du sens ; des mots comme des notes, des mots en cascade, puis le son  des instruments tel une clé pour y donner du sens. Étonnant de voir comme l’on est accroché à cette prestation, à sa possible difficulté musicale transcendée par la beauté du jeu, l’équilibre de la formule, la cohérence harmonique, le  style du guitariste, si personnel, son écriture dangereuse et incisive.

Au Temps Machine Soirée Hommes Verts avec Perox et Pethrol  
Un Temps Machine aux mains des Hommes Verts (vous savez cette bande de gens efficaces qui vous offrent depuis  plusieurs années le festival gratuit Potager électronique à la Gloriette), mais un T.M assez vide ce qui pose question sur le soutien du public à ceux qui font la vie culturelle locale et leur apportent de la diversité dans l’offre… Deux  groupes pour cette soirée : Perox de Orléans d’abord, concept léché , scénographie théâtralisée en une chorégraphie à la mesure, une dramaturgie utilisant tous les codes pour capter l’auditeur et le maintenir dans l’espace. Nous sommes dans un univers électronique, pictural, littéraire dans le texte balancé en petites histoires bien réalistes voire surréalistes. Il manque à cette perfection en la forme de l’humanité dans le fond ; nous restons face au spectacle, face à un film, dans une prestation refusant l’interactivité tant elle est compacte et globale… Deuxième groupe, Pethrol de Lyon, un duo, un couple d’artistes, de l’électronique, une batterie et un chant féminin omniprésent. Oui, la chanteuse est l’élément fort de l’affaire, son identification, d’abord au visuel car elle dégage, mais aussi dans la technique d’une  voix assez unique, feulements de chatte sur un toit de glace marbrés de réelles coupures au rasoir dans le style et la  norme ; bien sûr comment ne pas penser à Kas product et à Mona Soyoc ( vus à la scène en 1983, hé hé), sans l’urgence  et l’aspect novateur des anciens, mais avec la même assurance d’avancer dans la bonne voie, d’offrir une bonne came,  de mettre en avant la force d’une chanteuse au capital de fascination indéniable. Il leur reste à devenir « culte » : le  plus dur de l’affaire sur une scène désormais blindée de monde et de talents.

Yseult en la Tour, Hotel de Ville
Olivier Faes est assez unique en son genre, un compositeur prolifique au travail dédié à l’art choral mis annuellement en pratique par Chorea, une chorale d’amateurs qu’il dirige et nourrit depuis une dizaine d’années. Voir une œuvre  d’Olivier jouée à l’Hotel de Ville est tout un symbole, un aboutissement peut être voire le début de sa reconnaissance  par sa ville, sa région. Nous avons droit ce jour à une version oratorio de l’opéra Yseult en La Tour interprétée par  Chorea et l’Orchestre universitaire sous la direction de Martial Djebre. Le sujet est étrange, Tristan &  Yseult importés à Paris lors de la construction de la Tour Eiffel, la quête d’un amour idéal qui s’élève à la manière de la Tour de fer, et toujours la présence du Mal, destructeur ; le sacrifice des amoureux tel celui de victimes expiatoires pour arroser la survie de la modernité. C’est fort, c’est beau, planant, psychédélique. Deux autres représentations du  concept auront lieu cette semaine à l’Escale à Saint Cyr et à Chambray à la salle Yves Renault.

Expo Jean Pierre Loizeau Espace Chabrier à St Pierre
20 ans de peinture en titre à ce voyage dans l’œuvre d’un artiste reconnu et aimé, un des rares à tenir face au temps,  face aux styles, à s’offrir à chaque apparition de surprendre à nouveau sans pour autant paraître en opposition avec son  œuvre. Dans cette espace et par cette chronologie tout devient évident, de cette première période déjà très technique  mais empreinte d’un psychédélisme gaulois, à la peinture du moment quasi contemplative dans l’expression des  humains mis en scène, en passant par les représentations du couple, de l’enfant, puis de la révolte avant de s’inscrire  dans l’Histoire, l’air de rien, en usant de personnages excessifs jetés en pâture à nos moqueries, notre pitié, une  comédie humaine teintée de comedia del arte, une vision de la Vie si juste et si précise, une acceptation de l’humain  dans sa fragilité, sa beauté et sa chute. Loizeau ne joue pas, et même si sa peinture amène le sourire et la joie, le drame  est omniprésent dans toutes les phases de son œuvre, à tous les âges de l’artiste. Reste cette folle Entrée à Jérusalem,  ces icônes païennes et ces deux personnages en fin d’histoire de chaussures de sport bottés, deux cartes à jouer pour un  tarot intime, deux jokers, deux jumeaux ; peut être en ce ying et yang l’aboutissement du voyage, son essence et sa raison d’être.

CD ROYAL UKULELE TOURAINE ORCHESTRA autoprod  
L’un des concepts tourangeaux des plus attachants, des plus improbables, propose ce premier album à la manière  d’une carte postale venue des rives de Loire sublimées et pourtant bien réelles dans cette douceur vocale, les cristallines  mélodies éthérées des cordes grattées à l’unisson. Bien sur nous sommes à l’écoute d’un disque d’été, à écouter un verre de rosé bien frais en main alors que le soir s’annonce, une apéritive essentielle pour borner la journée en l’attente  de la nuit. Ici, la légèreté est de mise, hors du temps, hors des modes, à l’instar de cette “ petite fille riche ” venue s’encanailler (à la Guinguette de Tours sur Loire ?) au côté de ceux qui n’ont rien mais savent rire, aimer, danser.  RUTO est la formation la plus apaisante de la scène tourangelle, produit de l’amitié et du talent, de l’exigence et de la joie, et ce disque un beau témoignage de tout ce qu’ils nous donnent à la scène : une rigueur technique indéniable pour le don d’un instant volé au temps et à l’espace.

CD GOODBYE DIANA head records
Head records est le label d’une école, celle des férus de technique et des furieux du son. A l’instar de Pneu, Goodbye  Diana repousse les limites, ose des enchaînements mélodiques anti­nature pour bâtir une musique progressive qui n’est  pas sans rappeler certaines périodes du King Crimson de Robert Fripp, les moins conviviales, les plus attachées à  l’entrelacement de mantras nullement dévouées à la méditation mais propices à l’exaltation des corps. Et si finalement  la nouvelle french touch c’était ça ; bon, je vous l’accorde elle n’aura pas la portée de la précédente car elle n’est pas construite pour finir en musique au kilo ; elle est passionnée et passionnante et elle demande à l’auditeur de s’investir,  de se poser pour en goûter toute la force, toute la diablerie : c’est une musique à mimer tant on souhaiterait la jouer,  une musique à finir en air guitar dans le salon, les yeux fermés, l’intellect disjoncté. Une musique pour le cerveau  reptilien, une musique animale.

Tags : chronique Doc Pilot hebdo Hommes Verts Perox pethrol

Catégories : Culture

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